Frissons dans le dos: Chantal Machabée dévoile sa vie privée

Frissons dans le dos: Chantal Machabée dévoile sa vie privée

Par David Garel le 2025-11-03

Chantal Machabée n’a jamais cherché la pitié, ni les accolades.

Mais sur le plateau de l’émission Pour une fois, à Télé-Québec, elle a livré l’un des témoignages les plus sincères et les plus bouleversants de sa carrière.

Avec le calme et la lucidité qui la caractérisent, la vice-présidente des communications des Canadiens de Montréal a parlé d’amour, de solitude, de sacrifices et de fatigue.

Elle s’est ouverte, non pas comme une figure médiatique, mais comme une femme qui a tout donné à son métier et qui, à 61 ans, admet qu’elle n’a plus de temps pour elle-même.

Ce qu’elle a confié à la chroniqueuse Élizabeth Rancourt a touché bien au-delà du public sportif.

« Je vois du monde, mais je ne rencontre pas. Je n’ai pas de date. Non, il n’y a rien. C’est la flatline. »

Ces mots, dits sans détour, illustrent une réalité que peu osent nommer : celle d’une femme de pouvoir, d’une mère, d’une pionnière pour les femmes, qui vit aujourd’hui dans un rythme professionnel si exigeant qu’il ne laisse plus de place à l’amour.

Machabée ne se plaint pas : elle constate. Pendant la saison de hockey, elle dit n’avoir que deux congés par mois. Deux dimanches. Et quand ils arrivent, elle n’a qu’une envie : dormir.

« Je travaille à tous les matchs, tous les entraînements. Une journée de match au Centre Bell, c’est 17 heures. Il n’y a pas un gars qui endurerait ça. Moi, je n’ai aucun samedi soir. Tu veux aller au cinéma ? Souper ? Oublie ça. »

« Parce que je travaille à tous les matchs, tous les entraînements. C'est en moyenne 90 matchs par année, en plus de tous les entraînements. Je pars à 5 h 30 le matin, et je reviens vers 1 h, 1 h 30 le lendemain matin. Puis là, si j'ai congé ce dimanche-là du mois... Non, non, je vais pas bruncher, chef, laisse-moi dormir, je ne suis plus capable! »

Voilà la vie résumée de celle qui est devenue, au fil des ans, l’un des visages les plus respectés de la planète hockey au Québec. Les sacrifices qu'elle fait nous donne des frissons dans le dos.

Pourtant, derrière cette rigueur, se cache une immense humanité. Une mère avant tout.

« Ma priorité, c’était mes enfants. Ensuite, c’était la carrière. Je n’avais pas de vie sociale. J’ai dû couper, faire des choix. Quand j’arrivais à la maison, je m’occupais d’eux. »

Ses deux fils, qu’elle a élevés pratiquement seule pendant qu’elle couvrait le Canadien, sont devenus sa plus grande fierté.

Elle avait les moyens de se payer une femme de ménage, dit-elle, mais pas question de déléguer son rôle de mère. Et elle a commencé à être sur le "beat" du CH seulement quand ses gars avaient 14-15 ans. 

Ce passage à Pour une fois a permis de revisiter tout le parcours de cette femme qui, depuis les années 1980, se bat pour sa place dans un monde d’hommes.

Et pas n’importe quel monde : celui du vestiaire du Canadien de Montréal, à l’époque du Forum, où l’idée même de voir une femme journaliste circuler parmi les joueurs nus faisait scandale. Machabée a vécu cette période, et elle a dû, littéralement, imposer sa présence.

Elle a raconté, avec ce calme qu’on lui connaît, l’anecdote désormais célèbre du numéro 27 du Canadien, qu’on sait être Shayne Corson.

Alors qu’elle discutait avec Guy Carbonneau dans le vestiaire, Corson se promenait nu, lançant des boules de tape de hockey en riant.

Une forme d’intimidation typique de l’époque, une façon pour certains joueurs de « tester » les nouvelles venues. Chantal n’a pas bronché. Elle a terminé son entrevue, puis l’a regardé dans les yeux : « You don’t impress me. »

Le vestiaire a éclaté de rire. Corson lui a fait un high-five, et l’histoire s’est arrêtée là. Elle venait de gagner leur respect, sans hausser le ton, sans perdre sa dignité.

Ce geste, ce simple regard, résume ce qu’elle représente : une femme qui n’a jamais eu besoin de crier pour être entendue.

Une pionnière qui a imposé sa place avec intelligence, courage et un professionnalisme à toute épreuve. Des décennies plus tard, Corson lui offrira un repas dans son propre restaurant sur la rue Bishop, en guise de respect.

Une époque révolue, certes, mais qui rappelle à quel point Chantal Machabée a ouvert la voie à toute une génération de femmes journalistes, dont Élizabeth Rancourt elle-même.

Et c’est ce contraste entre la combattante publique et la femme privée qui rend ce témoignage si poignant. Car en parlant de son célibat, Chantal révèle aussi le prix d’un engagement total.

Elle admet que les hommes de son âge regardent vers les femmes plus jeunes.

«À l'âge que j'ai, les hommes de mon âge vont préférer des femmes plus jeunes. Puis ça, en grande majorité, c'est ça. Je suis très réaliste»

Ce réalisme, c’est celui de quelqu’un qui a vu la vie passer à la vitesse d’un calendrier de 82 matchs, sans jamais s’accorder de pause.

Ce n’est pas la première fois que Chantal Machabée parle de la difficulté d’être une femme dans le milieu du hockey, mais rarement elle l’avait fait avec autant de vulnérabilité.

Dans un environnement où la force et le contrôle sont valorisés, elle a osé parler de fatigue, de solitude, de surcharge. 

Ce qu’elle dégage, c’est une force tranquille. Celle d’une femme qui a fait tomber les barrières, une par une, sans renier qui elle est.

Elle a été la première à imposer la rigueur journalistique féminine dans les vestiaires de la LNH. Elle a survécu aux moqueries, aux préjugés, aux insultes du genre "retourne à tes chaudrons".

Elle a gagné le respect d’hommes qui, à l’époque, voyaient les femmes comme des intruses dans leur sanctuaire. Et aujourd’hui, elle siège à la direction des communications du club le plus emblématique du pays.

Mais même au sommet, Chantal ne se raconte pas comme une victorieuse. Elle parle avec la même humilité que lorsqu’elle couvrait ses premiers camps d’entraînement.

Elle sait que sa vie est rythmée par les déplacements, les conférences de presse, les crises médiatiques, les saisons sans fin.

Dans cette entrevue, elle a aussi évoqué son rapport au passé, aux débuts où tout était à prouver. Le respect, à l’époque, ne se donnait pas : il se méritait, souvent dans le silence, parfois dans l’humiliation.

Les femmes devaient constamment prouver qu’elles étaient à leur place, non par leur charme ou leur aplomb, mais par leur travail. Machabée a tenu le cap, patiemment, jusqu’à devenir une référence.

Ce qui émeut, c’est qu’elle parle sans rancune. Elle ne cherche pas à régler des comptes. Elle constate, encore une fois.

Oui, les hommes de son âge regardent ailleurs. Oui, elle est seule. Mais non, elle ne se sent pas incomplète. Parce qu’elle est entourée : par ses fils, ses collègues, ses petits-enfants.

« Je suis très bien entourée au quotidien », dit-elle. Une phrase simple, mais lourde de sens. Elle a trouvé la paix non pas dans l’amour romantique, mais dans la reconnaissance du chemin parcouru.

Ce que cette entrevue révèle aussi, c’est à quel point la société a changé.

« Dieu merci, on n’est plus dans les années 80 », lance-t-elle à la blague, mais derrière le sourire, il y a une réalité. Dans ce milieu où les femmes étaient autrefois réduites à des rôles décoratifs, Chantal a démontré que la compétence, la dignité et le courage pouvaient tout renverser.

Aujourd’hui, des dizaines de jeunes femmes foulent les plateaux de TVA Sports, RDS, Radio-Canada ou BPM Sports sans se poser la question de leur légitimité. C’est aussi grâce à elle. Elle a encaissé les premières tempêtes pour que d’autres puissent naviguer plus tranquillement.

Chantal Machabée n’a pas besoin d’un documentaire pour raconter son histoire : elle la porte dans ses yeux, dans sa voix, dans chaque mot qu’elle choisit. Elle incarne une génération de femmes qui ont réussi à s’imposer dans un univers impitoyable, sans jamais perdre leur humanité.

Ce samedi, sur le plateau de Télé-Québec, c’était elle, sans armure, sans micro d’aréna, sans la carapace du métier. Une femme de cœur, fatiguée, mais fière. Une femme qui, à force de servir le hockey, a fini par en devenir un pilier.

Et si la solitude l’accompagne parfois, elle semble la porter avec la même élégance que tout le reste.

Parce qu’au fond, Chantal Machabée n’a jamais cherché l’amour du public : elle l’a gagné. Et celui-là, personne ne pourra jamais le lui enlever.