Inquiétude à Québec: le Centre Vidéotron rouillé comme le pont Champlain

Inquiétude à Québec: le Centre Vidéotron rouillé comme le pont Champlain

Par David Garel le 2025-11-11

En 2015, la Ville de Québec coupait le ruban rouge sur le Centre Vidéotron. En 2019, le gouvernement canadien inaugurait le nouveau pont Samuel-De Champlain.

Deux mégaprojets, deux promesses d’avenir.

Dix et six ans plus tard, les deux structures sont déjà entrées dans une ère de réparations, de mises à niveau d’urgence, et de gestion de crise permanente.

L’un devait ramener la LNH à Québec. L’autre devait durer 125 ans. Aujourd’hui, on parle de systèmes en fin de vie, de corrosion précoce, de joints à refaire, de logiciels dépassés, de vestiaire jamais construit, de béton qui n’adhère pas.

Ce n’est plus de la planification. C’est une honte nationale... financée par les contribuables.

À l’ouverture du Centre Vidéotron en septembre 2015, les espoirs étaient grands. Le maire Régis Labeaume multipliait les promesses. Le nouveau Colisée devait être prêt à accueillir une équipe de la LNH. On allait impressionner Gary Bettman. Québec allait renaître.

Le cœur de ce projet, c’était un vestiaire de 22 000 pieds carrés. Ce n’était pas une rumeur. C’était écrit noir sur blanc dans les documents de présentation municipaux. 

On le décrivait comme le plus grand vestiaire de hockey au monde, équipé d’un salon, d’un bain à remous thérapeutique vitré, d’un gym, d’une clinique médicale et d’une salle de radiographie.

Mais selon les propres mots de Régis Labeaume, tout cela a été balayé d’un revers de la main.

« J’ai dit au monde : “On va garder la place, mais on ne met pas une cenne là-dedans.” »

« S’il y a un club, vous vous organiserez pour compléter le vestiaire, mais pour moi, ça s’arrête ici, c’est fini! »

Résultat? Le vestiaire n’a jamais été construit. L’espace est devenu un entrepôt, puis une salle d’entraînement pour les Remparts, puis une zone de tirs puis... une piscine bétonnée géante, vide, servant de débarras. Ouch.

Une trahison pure. D’autant plus que la construction du Centre Vidéotron a coûté… 370 millions de dollars. Le vestiaire, quant à lui, aurait coûté, selon les standards LNH, entre 5 et 10 millions de dollars. Une fraction du budget. Mais Labeaume a refusé, préférant investir dans un stationnement chauffé, selon ses dires.

Pire encore : le Centre Vidéotron tombe déjà en ruine technologique. En 2024, un audit d’ingénierie a révélé que le système de contrôle d’accès des portes et des ascenseurs est en fin de vie utile.

Un problème qui ne devrait pas survenir avant 25 ou 30 ans. Mais voilà : la Ville de Québec a dû débloquer 350 000 $ pour une mise à niveau d’urgence. Une rustine technologique pour cacher une faille évitable.

Et ce n’est pas tout.

Les systèmes de billetterie, de sécurité vidéo, de ventilation, de gestion du réseau optique interne… tous sont déjà dépassés, difficilement mis à jour, incompatibles avec les standards modernes.

Plusieurs employés du Centre admettent que certaines interfaces informatiques ont été "passés date" dès l’installation.

On a construit une coquille brillante… avec une charpente de plastique.

Le Centre Vidéotron devait accueillir les Nordiques. Aujourd’hui, il n’a jamais été utilisé pour la LNH. Pas un seul match officiel. Quelques parties hors-concours. Quelques concerts. Du hockey junior. De la boxe.

Pendant ce temps, les Canadiens de Montréal continuent de profiter de leur monopole. Et Québec continue de payer pour une promesse jamais tenue.

La fameuse « adaptabilité LNH »? Elle se résume à un vestiaire vide, inaccessible au public pendant des années, pour éviter les rumeurs sur les réseaux sociaux.

« Dès que les visiteurs voyaient un employé avec un casque, ils prenaient une photo et ça se ramassait avec la mention : “Ça y est, les travaux du vestiaire sont lancés!” » affirmait Sébastien Pelletier, directeur de l’expérience client

Aujourd’hui, tout cela est devenu un gag collectif. Le vestiaire des Nordiques est devenu une légende urbaine. Un non-lieu. Une honte.

Pendant que Québec répare ses ascenseurs et cache ses vestiaires fantômes, Montréal affronte sa propre disgrâce structurelle : le pont Samuel-De Champlain, déjà rouillé six ans après son inauguration.

Construit au coût de 4,2 milliards de dollars, le nouveau pont devait durer 125 ans. C’était la ligne officielle. C’était le gage de qualité.

Mais La Presse a révélé que la rouille s’installe déjà. Non pas à un ou deux endroits. Mais partout, sur les chevêtres d’acier qui soutiennent les tabliers routiers et les voies du REM.

Pourquoi? Parce que le scellant appliqué aux joints n’était pas étanche. Un problème de base, digne d’un bricoleur du dimanche. Le produit s’est fissuré, l’eau s’est infiltrée, la rouille a commencé à se propager.

« Le scellant n’est pas assez flexible. Donc, ça craque. » affirme Martin Chamberland, directeur des opérations du consortium responsable

Et ce n’est pas tout.

Le petit pont cyclable adjacent, qui relie les pistes au bord du fleuve, présente aussi une corrosion importante

.Pourquoi? Parce que le béton n’a pas adhéré à la structure d’acier. L’eau entre, s’infiltre, et la rouille déborde. Encore un défaut de conception fondamental.

« Disons que c’est un design perfectible », dit Chamberland, en souriant. Il devrait plutôt pleurer.

Non seulement les joints sont à refaire, mais on ne connaît même pas le coût des réparations. Aucune solution n’a encore été trouvée. Aucun échéancier prévu.

Et pendant ce temps, 160 000 véhicules empruntent ce pont chaque jour.

Des milliards de dollars pour des mirages

Entre le Centre Vidéotron et le pont Champlain, les contribuables québécois, de Québec comme de Montréal, ont investi plus de 4,5 milliards de dollars dans deux infrastructures qui, moins d’une décennie après leur inauguration, nécessitent déjà des réparations massives, ou révèlent des vices structurels.

C’est un modèle québécois du "fiasco institutionnalisé".

À Québec, élimine le vestiaire parce que « c’est trop cher », mais on prétend livrer un aréna LNH-ready qui est déjà en train de s'effondrer.

À Montréal, on construit un pont pour un siècle, mais la rouille apparaît en trois ans.

On met l’accent sur le visuel, l’inauguration, la photo politique, mais on néglige le vrai: la durabilité, la technique de construction et la solidité.

Et tout cela payé par les contribuables.

Ces deux projets n’ont rien à voir sur papier. Un est un centre sportif. L’autre, une artère stratégique de transport. Mais dans leur logique interne, ils sont jumeaux.

Dans les deux cas :

On a livré des structures incomplètes ou bâclées.

On a ignoré les conseils techniques.

On a voulu livrer vite, pour des impératifs électoraux.

On a fait des compromis que personne n’a assumés publiquement.

Et aujourd’hui, c’est le public qui paie. En argent, en confiance... et en mépris pour les politiciens.

Au final, les contribuables québécois sont les dindons de la farce. Ils financent des projets dont la qualité ne survit même pas à une décennie. Ils supportent des décisions prises par des élus qui ne seront jamais là pour rendre des comptes.

Et surtout : ils s’habituent à ça.

Ce n’est pas normal de parler de « design perfectible » quand un pont commence à rouiller. Ce n’est pas normal de construire un aréna de la LNH qui est passé date 10 ans plus tard.  

Le Québec mérite mieux. Québec mérite mieux. Montréal mérite mieux. Et surtout, les citoyens méritent qu’on arrête de leur mentir.