Cauchemar national pour Nick Suzuki: Sidney Crosby l'abandonne

Cauchemar national pour Nick Suzuki: Sidney Crosby l'abandonne

Par David Garel le 2025-09-09

À Vegas, tout scintille. Les projecteurs, les tapis rouges, les vitrines, les cases horaires surbookées pour « représenter la marque ».

Nick Suzuki est là pour ça : représenter le Canadien au "showcase" de la LNH, sourire, poser, enchaîner les entrevues. Mais derrière le les lumières, il y a ce petit nœud dans l’estomac qui ne lâche pas.

Parce qu’au même moment, au même micro, une autre histoire se déploie : celle d’un prodige de 19 ans, Macklin Celebrini, que Sidney Crosby propulse lui-même au centre de la conversation olympique.

Ce n’est pas une rumeur de coulisses. C’est Crosby. Et Crosby ne parle jamais pour rien. Quand il dit qu’un joueur a « gagné le droit d’être dans la conversation », il ne flatte pas, il oriente. Il place. Il ouvre des portes. Et là, la porte qu’il ouvre, c’est celle qui mène tout droit à l’équipe canadienne pour Milano-Cortina 2026.

Le paradoxe est cruel. Suzuki a adopté, depuis son premier jour à Montréal, une approche Crosby : leadership tranquille, constance, rigueur, respect absolu du cadre et du groupe. Il a bâti sa crédibilité par l’exemple.

Mais à Vegas, dans ce « car wash » médiatique où tout se mélange, l’appui public de Crosby va à Celebrini. Il n'envoie pas de flèche publique. On ne parle pas d'une déclaration officielle contre Suzuki. Juste un silence qui pèse.

Et ce silence résonne d’autant plus que la trajectoire de Celebrini est spectaculaire : une saison recrue très solide dans une équipe en reconstruction, une présence remarquée au Mondial, un jeu à 200 pieds étonnamment mature pour son âge.

On peut discuter des comparables, des courbes, des contextes ; on ne peut pas ignorer l’effet symbolique d’un éloge signé Crosby. Dans l’écosystème Hockey Canada, cette phrase équivaut à un tampon officiel : « regardez-le de très près ».

Pendant ce temps, Suzuki traîne un passif médiatique bien montréalais : le débat sans fin sur la langue, le fait qu'il ne parle pas français, la voix « trop douce », le style « trop calme ».

Et pourtant, c’est bien Crosby qui, à l’origine, lui a soufflé le conseil décisif : apprendre le français, s’adresser à la foule dans sa langue, franchir ce pont culturel que tant d’autres ont contourné.

L’anecdote des pantalons prêtés à Vegas en 2022 a souvent été racontée pour son côté cocasse ; en coulisses, c’est ce conseil-là qui a compté.

Rappelons cette histoire: Nick Suzuki débarque à Las Vegas pour la tournée médiatique de la LNH… sans valise. Perdu en chemin. Pour le dépanner, le tailleur Domenico Vacca lui prête un pantalon déjà prêté, taillé pour un autre joueur : Sidney Crosby. Coupe « cuisses de vétéran », un peu large pour Suzuki, mais ça fait la job.

Plus tard, dans le lobby de l’hôtel, Suzuki aperçoit Crosby en train de jaser. Il s’avance, brise la glace d’une ligne mémorable :

« Merci pour les pantalons. »

Crosby éclate de rire. La gêne tombe d’un coup. La conversation s’enchaîne, et, sous l’œil bienveillant de Chantal Machabée, qui le pousse à s’inspirer de Sid avec les médias, Crosby lui glisse un conseil qui marquera la suite : « Apprends le français. À Montréal, ça compte. »

D’un pantalon trop grand est née une relation de respect… et un déclic qui explique pourquoi, aujourd’hui, Suzuki veut vraiment parler français devant les caméras.

Cette saison, Suzuki veut faire ce pas public. Quelques réponses en français devant les caméras : pas un numéro de théâtre, un vrai effort, régulier. C’est un virage important. Mais l’onde de choc, elle, vient d’ailleurs.

Crosby l'a abandonné... pour Celebrini...

Il y a les positions « réservées » par l’aura et l’historique (McDavid, MacKinnon, Crosby), il y a les places gagnées par la structure (un Cirelli, par exemple, supporté par son coach NHL et par l’appareil de Tampa), et il y a la case « X-Factor » : le jeune phénomène qu’on amène parce que son ascension est irrésistible. Aujourd’hui, cette case s’appelle Celebrini.

Et c’est là que le malaise de Suzuki prend forme. Il n’a rien perdu sur la glace : il sort d’une campagne de calibre élite. Il n’a rien trahi dans la salle : il tient la fenêtre, il protège les jeunes, il colle la culture.

Mais la logique symbolique du moment n’est pas pour lui. Au niveau national, les projecteurs se déplacent sur un premier choix "overall" qui performe vite, supporté par Sid au micro.

On peut être d’accord ou non avec l’argumentaire, mais il faut reconnaître la mécanique : si Hockey Canada cherche un visage à projeter vers 2030 tout en gagnant maintenant, un Celebrini qui « a gagné le droit d’être dans la conversation » poussé par Crosby a une force médiatique immense.

Et ce, même si, dans un monde strictement méritocratique, Suzuki coche toutes les cases du centre polyvalent qui ne triche jamais.

Dans ce jeu de dominos, il y a l’autre pan de la saga : les rumeurs persistantes d’un Crosby à Montréal après les Jeux.

Tout le monde connaît la musique : tant que Malkin est là, Crosby commence l’année à Pittsburgh. Mais à la date limite ? Si les Penguins flanchent encore ? La porte peut s’entrouvrir.

Et si Crosby choisit sa destination, Pittsburgh ne pourra pas exiger la lune. Le prix sportif serait alors supportable pour le CH : pas de Reinbacher, pas de Hage. Des éléments secondaires, un contrat à balancer, des choix conditionnels.

Mais le vrai coût pourrait être ailleurs : dans l’âme de la salle. Crosby et Suzuki sont issus du même moule de leadership : le calme, la préparation, la science du détail, la parole rare mais lourde.

Deux capitaines pratiquement pareils. Dans un vestiaire, on peut additionner des talents, on ne duplique pas un centre de gravité. Le risque n’est pas une guerre d’ego. Suzuki n’est pas construit ainsi, Crosby non plus, mais peut-on avoir deux capitaines qui sont pareils?

Ce qui rend la chose délicate, c’est que Suzuki n’a jamais prétendu être un « capitaine spectacle ». Il est devenu le centre d’un projet patient : Demidov, Caufield, Hutson, Guhle, la poussée d’Engström… un noyau qui grandit ensemble.

Importer Crosby, ce serait injecter un ultime raccourci vers la Coupe Stabley. Mais cela pourrait-il froisser Suzuki?

Dans tous les cas, il est clairement dérangé que Crosby pousse la candidature de Celebrini et l'ignore complètement.

Au Canada anglais, Suzuki n’est pas encore perçu comme un essentiel de l’équipe nationale. On l’admire, on le respecte, on le met dans les listes « dans la conversation », mais on finit par l'écarter.

Quand Crosby, lui, complimente Celebrini comme la 8e merveille du monde, et ne mentionne pas Suzuki, cela fige, pour un temps, la perception. C’est injuste ? Probablement. C’est la réalité ? Oui.

À Suzuki de relever la tête...