C’est le genre de scénario que l’on redoute toujours quand on mise tout sur un pari risqué, à fort prix, en croyant acheter de la stabilité.
Le Canadien de Montréal a mis la main sur Noah Dobson à l’été 2025, croyant que le défenseur des Islanders serait une pierre angulaire de sa défense pour les années à venir. En retour, Kent Hughes a offert deux choix cruciaux : les 16e et 17e sélections du repêchage 2025, qui sont devenues Victor Eklund et Kashawn Aitcheson.
Et voilà qu’à peine six mois plus tard, c’est Aitcheson, pas Dobson, qui est sur toutes les lèvres dans le monde du hockey canadien.
Invité au camp de sélection d’Équipe Canada pour le Championnat mondial junior, le défenseur des Colts de Barrie ne cesse d’impressionner.
Pendant que Dobson se fait écorcher pour sa mollesse, Aitcheson frappe tout ce qui bouge, joue avec une autorité qui rappelle les vrais défenseurs de séries, et mène son club avec 19 buts et 13 passes pour 32 points en 27 matchs.
« Le niveau d’excitation est évidemment au plafond », a lancé Aitcheson.
« C’est le plus gros tournoi junior au monde. Après le repêchage, tout le monde pense à faire sa place dans la LNH, mais ce tournoi-là, c’est ce que tout le monde attend. Je suis super excité. »
Pendant ce temps, au Centre Bell, Noah Dobson continue d’enchaîner les séquences douteuses en défense. Lors du dernier match contre les Flyers, il a été pris complètement à contre-pied toute la soirée, offrant une couverture spectaculairement inadéquate, sans aucune intensité dans sa relance.
La séquence a fait rager Félix Séguin, descripteur à TVA Sports, qui n’a pas mâché ses mots à « JiC » :
« Moi, ça m’inquiète beaucoup », a confié Séguin.
« J’ai fait aller mes contacts pour comprendre pourquoi les Islanders auraient été intéressés à s’en départir… ce qu’ils m’ont dit, c’est : très bon patin, capable de produire une attaque, mais défensivement, par moments, il l’échappe. »
Et ce n’est pas tout. Séguin a enfoncé le clou :
« Il n’y a pas de rage en lui », a-t-il déploré.
« L’échantillon est petit, mais je trouve que, par moments, Dobson… est mou défensivement. Je le trouve mou. Quand il joue avec aplomb, il peut aider cette équipe-là. Mais quand il l’échappe, c'est laid. »
Des propos qui résonnent douloureusement avec le style d’Aitcheson. Le défenseur de 6 pi 2 po et 196 livres, repêché au 17e rang par les Islanders avec le choix du CH, est tout sauf mou.
Il domine la OHL chez les défenseurs avec ses 19 buts. Il est aussi le meneur chez les Colts pour les points (32) et le différentiel (+19).
Ajoutez à cela 88 minutes de pénalité et une réputation de frappeur redoutable, et on comprend pourquoi tout le monde le compare à un jeune Darnell Nurse… en plus discipliné... et plus offensif.
Formé par son oncle Chris Aitcheson, un ancien dur de la Ontario Junior Hockey League, KaShawn a tout appris du jeu physique, des coups qui font mal, de l’art de déranger l’adversaire.
« Mon oncle m’a montré comment frapper au bon endroit, là où il n’y a pas de padding, pour vraiment le faire sentir », a-t-il raconté.
« Je veux être ce gars-là qui frappe fort, mais qui peut aussi contribuer sur la feuille de pointage. »
Il réussit les deux. Il mène son équipe pour les buts en avantage numérique (11) et a même réussi un tour du chapeau en une période le 7 novembre dernier. Il ne se contente pas de cogner : il transforme chaque présence en menace à double tranchant.
Et pendant ce temps… Noah Dobson se cherche. Malgré ses 18 points en 33 matchs, ses lacunes défensives, son manque de « chien », comme dirait Michel Bergeron, sautent aux yeux.
Pire encore, Patrick Roy, son ancien entraîneur chez les Islanders, n’avait plus aucune confiance en lui. Selon plusieurs sources, Roy aurait personnellement appuyé son départ, lui reprochant son manque d’urgence et de responsabilité défensive.
Dans ce contexte, il est impossible de ne pas se poser la question : Kent Hughes s’est-il fait voler?
Parce que Victor Eklund, le 16e choix, brille aussi. Attaquant suédois au profil complet, il joue déjà dans la SHL avec des hommes.
Sa vision de jeu, son tir des poignets foudroyant et sa maturité en zone neutre font de lui un projet prêt pour la LNH dans un avenir rapproché.
Le Canadien a offert Aitcheson et Eklund… pour Dobson. Sans oublier Emil Heineman qui manque cruellement au CH.
Un Dobson qui n’a pas de mordant, qui ne relève pas le niveau de la défensive du Tricolore, et qui, à 9,5 millions par année, commence déjà à inquiéter. Pendant ce temps, les Islanders, qui peinent à marquer, voit Aitcheson exploser ailleurs.
Pire encore, la transaction a été faite dans la précipitation, alors qu’Aitcheson n’avait pas encore connu cette explosion offensive.
Kent Hughes a peut-être agi trop tôt, croyant vendre des billets avec un grand nom, mais oubliant que le plus grand nom du hockey québécois, Patrick Roy lui-même, n’avait plus confiance en Dobson.
Il faudra du temps pour évaluer l’ampleur du désastre. Mais si Aitcheson perce Équipe Canada junior et domine le tournoi, pendant que Dobson continue de jouer comme un fantôme, on pourra reparler de ce 25 juin 2025 comme d’une date fatidique.
Une de celles où le Canadien de Montréal a peut-être hypothéqué son avenir pour un défenseur au cœur trop léger.
