Ils disaient que le Canadien n’avait aucune chance. Que ce serait un miracle de se qualifier. Que Washington, la meilleure équipe de la LNH cette saison, allait les balayer en quatre matchs.
Mais un homme qui sait de quoi il parle, un homme qui a vécu dix conquêtes de la coupe Stanley dans l’uniforme tricolore, n’est pas de cet avis.
Yvan Cournoyer, le légendaire « Roadrunner », sort de son silence et jette de l’huile sur le feu de l’excitation montréalaise à l’aube de la série entre le CH et les Capitals. Et il ne mâche pas ses mots :
« On est capables de battre Washington. J’en suis certain. »
Cournoyer n’est pas seulement un ancien capitaine du Canadien. Il est une voix respectée. Et ses paroles résonnent jusque dans les pages du Washington Post, où ses commentaires, traduits et analysés, ont fait le tour des médias sportifs de la capitale américaine.
« J’ai vu les Canadiens de toutes les générations gagner des matchs impossibles à gagner. J’ai été de toutes les guerres. Et ce que je vois cette année me rappelle des débuts de dynastie », a-t-il déclaré.
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir. À Washington, l’écho des déclarations de Cournoyer s’est rendu jusqu’aux oreilles d’Alex Ovechkin, qui s’est contenté d’un laconique « no comment ».
Et comme pour ancrer cette foi dans l’ADN du CH, Yvan Cournoyer a raconté sa relation personnelle avec Cole Caufield.
« Je suis bien ami avec lui », confie-t-il.
« Je suis allé le féliciter après la partie. Il n’est pas grand, il n’est pas gros, mais il a un bon lancer, un bon coup de patin. Il me ressemble un peu. »
Mais plus encore, il révèle avoir été sollicité par le père de Cole lui-même.
« Quand il a commencé, il restait tout le temps sur le bord de la bande durant le jeu de puissance. Même son père m’avait demandé de rester après une partie pour lui parler. Je lui ai dit : “Il faut que tu t’enlèves du bord de la bande, parce que tu vas peut-être scorer quelques buts de cette position, mais il faut vraiment que tu ailles en avant des buts. Bouge plus. Sois actif. Sois vivant autour du filet.” »
Des conseils livrés avec toute l’expérience d’un homme qui a soulevé la coupe dix fois. Et visiblement, Caufield a écouté. Il est aujourd’hui l’un des moteurs offensifs de cette jeune équipe qui refuse de mourir.
Mais la citation qui fait le plus parler, ici comme à Washington, c’est celle livrée à la blague — ou peut-être pas — par Cournoyer à propos d’Ivan Demidov :
« Je lui ai peut-être passé mon nom, mais je ne lui passerai pas mon surnom de Roadrunner. »
Une phrase cinglante, certes, mais qui cache aussi un immense respect. Car Cournoyer sait que Demidov est spécial. Il le surnomme « Monsieur Ivan », et il reconnaît son importance dans l’élan de fin de saison du Canadien :
« On a quatre bonnes lignes… surtout avec Monsieur Ivan qui est de retour. »
C’est tout un passage de flambeau symbolique qui se joue, même s’il ne sera jamais officiellement confirmé. D’un Ivan à l’autre, le lien est établi.
Mais le surnom, lui, reste la propriété du Roadrunner original.
« Il faudra qu’il en gagne quelques-unes avant que je lui passe ça », a-t-il dit en riant.
Dans ses commentaires, Yvan Cournoyer parle aussi du public du Centre Bell, qu’il qualifie de « difficile à battre », même en comparaison avec les ambiances des années 1960.
Il se dit certain que les jeunes joueurs du CH vont vivre une expérience inoubliable.
« Les séries éliminatoires, pour un jeune joueur, c’est comme une explosion de sens. Tu sens la ville vibrer avec toi. Et quand tu marques un but, tu entends toute la province rugir. Il n’y a rien de plus fort. »
Pour lui, la clef sera l’unité.
« Il faut que tout le monde joue ensemble. Et c’est ce que je vois de cette équipe. Ça me fait penser à ce que j’ai vécu avec Béliveau, avec Savard, avec Laperrière. Des gars qui savaient que pour gagner, il fallait tirer dans le même sens. »
Et voilà pourquoi il croit que Montréal peut faire tomber Washington.
« On l’a déjà fait. En 2010. Et je vous le dis : l’équipe qu’on a aujourd’hui est meilleure que celle de 2010. On a deux excellents gardiens, de bons défenseurs stables, jeunes, et qui jouent bien ensemble. »
Avec une telle déclaration, Yvan Cournoyer vient de "booster" tout le Québec. Et dans les coulisses du vestiaire du CH, on peut parier que les propos du Roadrunner ont déjà été partagés par les leaders du groupe.
Suzuki, Guhle, Caufield, Demidov, Montembeault : tous savent maintenant qu’ils ont le soutien d’un monument de l’histoire du club.
Alors que Washington entre dans cette série comme le grand favori, c’est Montréal qui vole les manchettes. Et ce, grâce à une légende vivante qui rappelle à tous que dans cette ville, tout est possible. Surtout avec la foule survoltée au Centre Bell.
Yvan Cournoyer ne cache pas son admiration pour l’ambiance actuelle dans l'amphithéâtre du CH. Même lui, qui a connu les plus grandes années du Forum dans les années 1960 et 1970, l’avoue sans détour :
« Je pense que c’est la foule la plus bruyante que j’ai jamais entendue. Même dans les années 60, c’était pas aussi fort. Aujourd’hui, les partisans sont plus émotifs, plus impliqués que jamais. »
Dans les coulisses, tout le monde sait que les Capitals ont entendu le message. L’électricité monte. Et on est presque déçus que la série ne commence que lundi, tant la marmite est prête à exploser.
Le feu est pris. Le printemps est revenu. Et Yvan Cournoyer est prêt à y croire, encore une fois.