Rien ne va plus à TVA Sports.
Il y a des malaises qui font rire, d’autres qui font grincer des dents. Et puis, il y a ceux qui exposent au grand jour les tensions internes d’un réseau médiatique.
Ce qui s’est produit aujourd'hui à l’émission de Jean-Charles Lajoie, entre Renaud Lavoie et, indirectement, Guillaume Lefrançois de La Presse, appartient à cette dernière catégorie.
Une sortie publique très vive, un règlement de compte à peine voilé, et surtout, un malaise énorme autour de la manière dont certaines informations sont rapportées au grand public.
L’origine du désaccord? Une simple anecdote, rapportée par Guillaume Lefrançois dans La Presse, selon laquelle Samuel Blais aurait affirmé avoir acheté une quarantaine de billets pour le match préparatoire du Canadien au Centre Vidéotron, dans sa région natale de Québec, avant d’être relégué dans les gradins par Martin St-Louis.
Dans son papier, Lefrançois écrit noir sur blanc :
« Blais ne participera finalement pas au match, même s’il disait lundi avoir acheté une quarantaine de billets pour ses proches. »
Une information banale en apparence, mais qui a fait sursauter Renaud Lavoie. Invité sur le plateau de Jean-Charles Lajoie, Lavoie a vivement démenti cette affirmation, citant une conversation directe avec Samuel Blais lui-même, rencontré après coup à Toronto, où il a été réclamé par les Maple Leafs.
Selon Lavoie, Blais aurait été clair : il n’a jamais acheté 40 billets pour un match sans savoir s’il allait y participer.
« Bien voyons donc, c’est complètement faux. Je n’ai jamais acheté 40 billets sans savoir si j’allais jouer un match ou non », aurait-il répondu à Lavoie.
Lavoie a poursuivi en décrivant Blais comme un joueur trop expérimenté pour commettre une telle imprudence, rappelant qu’il logeait encore à l’hôtel à Brossard au moment de signer son contrat, dans l’attente de clarifications sur son avenir.
« Ce n’est pas son premier barbecue », a-t-il insisté.
Voici l'extrait vidéo en question:
Mais alors, qui dit vrai? Lefrançois, journaliste aguerri, ne rapporte pas des propos à la légère. On peut présumer qu’il a fidèlement retranscrit ce que Blais lui a dit.
De là, plusieurs hypothèses peuvent être avancées : Blais aurait-il changé sa version des faits? A-t-il voulu nuancer ses propos après coup, pour ne pas froisser le Canadien? Est-ce le fruit d’un malentendu?
Il est aussi permis de se demander si l’organisation du CH, présente à Toronto cette semaine, a tenté de limiter les dégâts en influençant le discours du principal intéressé.
Reste qu'à Québec, les caméras montraient un Samuel Blais qui n’avait pas le cœur à la fête.
Le visage fermé, le regard fuyant, l’attitude résignée : tout, dans son langage corporel, trahissait une profonde déception.
On ne parle pas ici d’un joueur laissé de côté pour des raisons stratégiques quelconques en plein mois de janvier. On parle d’un Québécois, originaire de Montmagny, à une heure de route de Québec, qui avait enfin l’occasion de jouer un match de la LNH devant parents et amis dans l’amphithéâtre de la capitale.
Et pourtant, contre toute attente, il avait été relégué aux gradins, sans explication claire. C’est dans ce contexte émotionnel chargé que Guillaume Lefrançois, quelques heures plus tard, écrivait dans La Presse que Blais lui avait confié avoir acheté une quarantaine de billets pour l’occasion.
Ce détail, soudainement démenti par Renaud Lavoie, prend une tout autre tournure. Si la déclaration était totalement fausse, pourquoi un tel abattement visible? Pourquoi cette tristesse évidente? Toute cette séquence soulève plus de questions qu’elle n’en règle.
Ce qui est sûr, c’est que la démarche de Renaud Lavoie a fait réagir. Le ton utilisé, l’insistance sur le fait que cette information était « douteuse », et le contexte même de l’intervention, dans une émission où l’opinion prime souvent sur la retenue, ont donné à ce moment une dimension de confrontation inutile.
Le fait que Lefrançois n’ait jamais été nommé directement ajoute au flou, mais ne dissipe pas l’impression d’une attaque en règle.
TVA Sports, déjà fragilisé dans l’œil public, n’avait pas besoin de ce nouveau malaise. Le réseau est en perte de vitesse, menacé de perdre les droits de diffusion du Canadien en 2026, et critiqué pour certaines de ses prises de position.
Ce genre de sortie, même si elle part d’une volonté de vérifier les faits, donne plutôt l’impression d’un climat de tension interne, d’une compétition malsaine entre journalistes de médias différents, et surtout, d’un manque de solidarité entre professionnels de l’information.
On ne saura sans doute jamais ce qui s’est réellement dit entre Samuel Blais et les deux journalistes. Mais l’incident soulève un enjeu plus large : celui de la gestion de l’information dans un environnement où l’instantanéité et les tensions interpersonnelles prennent parfois le dessus sur la rigueur.
Il est légitime de vérifier une information. Il l’est moins d’utiliser cette vérification pour exposer publiquement un collègue, sans contexte et sans dialogue.
Dans cette histoire, ni Renaud Lavoie ni Guillaume Lefrançois sont blancs comme neige. Le premier pour la manière dont il a livré son message, le second pour se retrouver involontairement au centre d’une tempête dont il n’avait sans doute pas prévu l’ampleur.
Mais au final, celui qui a menti est qui? Guillaume ou Samuel?
Peu importe la réponse, c’est surtout le milieu du journalisme sportif qui en sort amoindri, avec une impression tenace que les vieilles querelles et les ego surdimensionnés prennent parfois le pas sur la recherche de vérité.
Le public, lui, observe. Et il jugera.