Bourde publique à Philadelphie: la lune de miel est terminée pour Daniel Brière

Bourde publique à Philadelphie: la lune de miel est terminée pour Daniel Brière

Par David Garel le 2025-09-10

Daniel Brière entame sa troisième saison à la barre des Flyers de Philadelphie. Et cette fois-ci, ce n’est pas une douce euphorie qui anime le directeur général québécois, mais une fébrilité évidente.

Ses récentes déclarations à l’émission Les Amateurs de sports de Mario Langlois en disent long : Brière marche sur des oeufs, avec la certitude qu’il n’a plus droit à l’erreur.

L’arrivée de Rick Tocchet derrière le banc, après la fin houleuse du règne de John Tortorella, marque un tournant. Brière lui-même l’a reconnu :

« Il faut faire attention de ne pas être trop confortable parce que Tortorella est parti. »

Ce message traduit une angoisse profonde. Le DG sait qu’il joue sa crédibilité et que la patience des partisans de Philadelphie, réputés pour être les plus durs de la LNH, s’éffondre rapidement.

Dans cette ambiance tendue, Daniel Brière a choisi son cheval de bataille : Trevor Zegras. Acquis pour une bouchée de pain (Ryan Poehling, un 45e choix et un 4e tour), Zegras est devenu le pari personnel du DG. Mais au lieu de le protéger, Brière a décidé de le mettre au centre de toutes les attentes.

« On y croit. C’est la raison pourquoi on est allé le chercher. Des joueurs offensifs comme ça, des fois, ça prend un peu plus de temps pour être confortable sur la patinoire, de trouver tes repères, savoir ce que tu peux faire.

Notre parcours a été différent dans le sens que lui a eu beaucoup de succès très tôt. Puis, par la suite, les blessures l’ont rattrapé.

C’est une grosse saison pour lui, il n’y a pas de doute là-dessus. C’est souvent l’âge que certains joueurs offensifs débloquent. Donc on espère que pour lui, ça va être la clé magique cette année ».

Ces paroles envoient un message clair : Zegras doit relancer sa carrière, sinon l’échec rejaillira directement sur le DG. Car en allant chercher un joueur au talent indéniable, mais fragile psychologiquement et physiquement, Brière s’est lié personnellement à son destin.

Mais ce qui a le plus surpris, c’est sa sortie publique concernant Matvei Michkov. Plutôt que d’encenser sa pépite russe après une première saison électrisante, il a tenu... à l'envoyer sous l'autobus... :

« Je m’attends à ce qu’il frappe un mur, un petit peu, mais c’est quand même un talent fou. »

Une déclaration jugée malhabile, qui a immédiatement circulé à Philadelphie. Comment peut-on briser publiquement la confiance de son joueur vedette?

Pour une organisation qui peine à bâtir autour de son joyau russe, ces paroles apparaissent comme un aveu de crainte, voire d’impuissance. Et dans une ville où chaque mot est scruté à la loupe, elles font l’effet d’une bombe.

Cette fébrilité s’explique par les multiples erreurs qui collent encore à la peau de Brière. Rappelons-les.

Cutter Gauthier contre Jamie Drysdale : échanger un attaquant de puissance si talentueux et prometteur contre un défenseur fragile de 5’11, qui peine à s’imposer, reste une bévue monumentale. Aujourd’hui encore, certains experts parlent de cette transaction comme de la pire de l’ère Brière.

Le fiasco Buium-Luchanko : au repêchage 2024, Daniel Brière détenait le 12e choix et pouvait sélectionner ce joyau à la ligne bleue. Un défenseur gaucher à la mobilité exceptionnelle, au flair offensif redoutable, et déjà vu par plusieurs comme un candidat à un rôle de quart-arrière sur un power play élite. Les experts le projetaient top-10.

Mais Brière a décidé de descendre d’un rang dans une transaction avec le Wild, contre un simple choix de 3e ronde en 2025. Minnesota a sauté sur l’occasion et repêché Buium. Les Flyers, eux, ont sélectionné Jett Luchanko.

Pourquoi? Parce que Brière avait jugé que Buium était trop petit. Selon lui, sa ligne défensive était déjà composée de gabarits modestes (Cam York, Jamie Drysdale, Emil Andrae).

Plutôt que de miser sur le meilleur joueur disponible, il a choisi de prioriser la “taille” et le profil de son alignement actuel. Une erreur de jugement classique : bâtir pour combler un trou immédiat, plutôt que d’empiler le talent.

Le problème? Luchanko n’a jamais été projeté comme un joueur offensif d’élite. Son profil est clair : un centre de soutien, axé sur le jeu défensif, responsable, mais limité offensivement. Un joueur de troisième trio dans le meilleur des scénarios.

Les Flyers auraient pu avoir un quart-arrière pour la prochaine décennie, un défenseur du calibre de "Cale Makar-lite". Ils se retrouvent avec un centre “de devoir”, dont la valeur plafond est celle d’un joueur de soutien.

Brière a sacrifié le talent pur pour une question de gabarit. Et dans la LNH moderne, où la vitesse et la vision comptent plus que la taille brute, c’est une grave faute professionnelle. Puis vient la catastrophe Patrik Laine.

En refusant de trancher dans le dossier Tortorella et de lui montrer la porte de sortie l'été dernier, il a fermé la porte à Laine, qui refusait catégoriquement de rejouer sous ses ordres et qui a donc refusé une transaction pour les Flyers, avant d'accepter celle l'envoyant à Montréal. Une occasion manquée de plus.

La dépendance à Tortorella a coulé Brière. Avoir maintenu en poste un entraîneur usé, passé date et conflictuel a brisé la relation avec Cutter Gauthier, précipitant son départ... pour des peanuts...

À chaque fois, les partisans et les journalistes ont serré les dents. Mais aujourd’hui, après trois ans, les erreurs s’accumulent, et la tête de Brière est sur le billot.

La réalité est cinglante : la lune de miel entre Daniel Brière et Philadelphie est terminée. Le Québécois, adulé comme joueur pour son courage et son flair offensif, est désormais jugé comme dirigeant. Et ses décisions ne convainquent pas.

Ses propres propos traduisent cette nervosité. On sent qu'il nage dans l’inconfort et l’incertitude.

Et en mettant publiquement la pression sur Zegras et Michkov, il ne se contente pas de faire un pari sportif : il joue son avenir personnel. Si Zegras ne rebondit pas, si Michkov s’effondre sous le poids des attentes, la faute retombera directement sur lui.

Daniel Brière entre dans la saison 2025-2026 avec une pression maximale. Les partisans, déjà échaudés par des années de médiocrité, ne pardonneront pas une nouvelle saison ratée. Les médias, unanimes dans leurs critiques après ses transactions douteuses, n’attendent qu’un faux pas pour l’écorcher vif.

Et dans ce contexte, les mots du DG prennent tout leur sens :

« Il faut faire attention de ne pas être trop confortable. »

Non seulement pour ses joueurs. Mais surtout pour lui. Parce qu’à Philadelphie, le confort, ça n’existe pas.

Si Zegras renaît et que Michkov continue de briller, Brière pourra encore espérer sauver sa réputation.

Mais si ses prédictions se réalisent et que Michkov frappe un mur, alors sa propre carrière de dirigeant pourrait bien frapper un mur encore plus dur.