C’est une phrase lancée à la légère, avec ce ton ironique caractéristique de Maxim Lapierre, mais qui a laissé une cicatrice bien réelle.
« C’est à cause de Montembeault. On me dit qu’il a éternué sur le banc durant le lancé. » a-t-il écrit sur ses réseaux sociaux.
Alors que Jakub Dobeš venait de concéder un but sur le tout premier tir du match, l’ancien joueur devenu analyste a tenté une blague.
Mais les heures qui ont suivi ont transformé cette saillie en scandale. Car personne, surtout pas Lapierre, ne pouvait prévoir que ce soir-là, le jeune gardien tchèque allait vivre l’un des moments les plus émotifs de sa jeune carrière, terminant la rencontre en pleurs, le visage enfoui dans sa serviette, incapable de répondre aux questions des journalistes.
Une scène bouleversante qui a frappé de plein fouet les partisans, mais aussi, rétrospectivement, le commentaire de Lapierre, désormais perçu comme cruel et déplacé.
Le plus fou dans tout cela, c’est que ce commentaire n’a pas été prononcé après les larmes, comme l’ont cru plusieurs internautes.
Non, il est survenu dans les toutes premières minutes du match, après le premier but concédé par Dobeš sur lequel il semblait mal positionné.
La blague de Lapierre, bien qu’insensible, s’inscrivait dans sa tradition de sarcasme, où le ridicule sert de moteur à l’analyse. Il faut dire que Lapierre n'a jamais accepté le traitement du public envers Samuel Montembeault depuis le début de la saison et il voulait juste clamer que le Québécois n'était pas le seul coupable de ses déboires.
Mais dans ce cas-ci, les circonstances ont trahi l’intention. Car quand les images de Dobeš écroulé dans le vestiaire ont émergé quelques heures plus tard, le lien émotionnel s’est tissé de lui-même, injustement mais irrévocablement.
Sur X, la fureur a été immédiate.
« C’est à cause des médias comme vous qu’on va huer Montembeault encore plus »
« T’es un calvaire de clown, personne regarde TVA Sports de toute façon, vous êtes plates à mort ».
Les insultes ont fusé, dépassant la ligne du respect, mais révélant aussi le climat toxique autour du filet du Canadien.
Depuis plusieurs semaines, Samuel Montembeault subit la colère populaire à Montréal. Hué au Centre Bell, conspué sur les réseaux sociaux, boudé par Martin St-Louis au profit de Jakub Dobeš, le gardien québécois est devenu l’homme à abattre.
Et chaque erreur de Dobeš, aussi minime soit-elle, déclenche une guerre de tranchées entre les « pro-Monty » et les « pro-Dobeš ». Dans ce contexte inflammable, une simple blague, même faite sans malice, devient une véritable bombe.
Maxim Lapierre, lui, ne s’est pas excusé. Et il faut le dire clairement : il n’a rien écrit après les larmes de Dobeš. Son commentaire circulait des heures avant que le Tchèque ne s'effondre devant les caméras.
Mais comme souvent sur les réseaux sociaux, les faits s’effacent au profit des émotions. Plusieurs utilisateurs ont ainsi affirmé, à tort, que Lapierre s’était moqué de Dobeš après sa sortie émotive.
« Tu vois les pleurs, puis tu vois le tweet de Lapierre. C’est impossible de ne pas faire le lien », écrivait un internaute, malgré la chronologie vérifiable.
Le problème, c’est que le climat ne permet plus aucune nuance. Il n’y a plus de place pour l’humour à froid, encore moins pour l’ironie.
Et dans une ville comme Montréal, où chaque match est une tragédie grecque et chaque déclaration une bombe médiatique, un analyste comme Lapierre devrait le savoir.
Ancien joueur, il connaît mieux que quiconque la fragilité des gardiens, leur exposition constante, leur solitude dans la défaite.
S’il y a un poste où la compassion devrait primer sur la caricature, c’est bien celui de gardien de but. Et pourtant, il a choisi de se moquer, même légèrement, même involontairement.
Dans un autre contexte, la blague aurait sans doute passé. Mais voilà : ce n’était pas un autre contexte. C’était le match où Jakub Dobeš s’est effondré, émotionnellement, mentalement, physiquement.
Le match où il a compris, peut-être pour la première fois, le poids de la ville, de la pression, de l’exigence l'a fait craquer.
Et dans ce match-là, Maxim Lapierre a été l'électrochoc involontaire d’une indignation collective. La preuve? Même ceux qui, d’habitude, le défendent bec et ongles, ont levé un sourcil.
« Ce n’était pas le moment ».
Il serait cependant injuste de faire porter à Lapierre toute la responsabilité du climat actuel. Il est un symptôme, pas la cause.
C’est la guerre des gardiens, entretenue par les performances irrégulières de Montembeault, l’ascension rapide de Dobeš, les attentes autour de Fowler, et l’impatience chronique des partisans, qui crée cette atmosphère toxique.
Mais il a, malgré lui, offert une cible facile. Et dans cette ère de captures d’écran et de réactions virales, une cible ne reste jamais intacte bien longtemps.
Lapierre a réagi en affirmant que c'était seulement une blague. Un mot d’excuse? Un mea culpa à l’antenne? Jamais.
Mais la réalité, c’est que le mal est déjà fait. L’image de Dobeš en pleurs hantera longtemps les partisans. Et la phrase de Lapierre flottera toujours quelque part en arrière-plan, comme un écho cruel de ce que Montréal peut parfois faire à ses gardiens.
Surtout quand ils sont jeunes. Surtout quand ils sont humains. Surtout quand ils ont besoin de soutien, pas de sarcasme...
