Alors que Jakub Dobeš retenait difficilement ses sanglots devant les caméras après une défaite crève-cœur contre les Devils du New Jersey, José Théodore, en vacances à Las Vegas, encaissait un joli gain financier… pour avoir parié contre le jeune gardien du Canadien de Montréal.
Interviewé par Mario Langlois à 98,5 FM, Théodore était baveux comme jamais. D’entrée de jeu, il s’est moqué de l’émotivité affichée par Dobeš
. « Si Dobe pleure après un match au mois de novembre, et s’il joue 16 ans dans la ligue comme moi, il va manquer de larmes. », a-t-il lancé, dans un style typiquement 'Théo', entre franchise et ironie mordante. Dans un autre extrait, il pousse même la provocation jusqu’à parler de mouchoirs.
« Prends ça relax. »
Et ce n’était que le début. Visiblement amusé, Théodore s’est vanté en ondes d’avoir misé contre le Canadien à Vegas en ciblant sans détour les mauvaises habitudes du club, alors que CH échappe souvent des avances.
Pour lui, la jeune équipe, aussi talentueuse soit-elle, manque encore de rigueur et de constance. Mais c’est surtout la réaction émotionnelle de Dobeš qui l’a fait grimacer.
« Moi, si un gars pleure en novembre parce qu’il a perdu contre New Jersey, je me dis : il va être démoli en séries, il faut qu’il fasse attention ».
Les Stars vont probablement se moquer de lui demain.
À la place de Dallas, il le narguerait à la première occasion.
La Presse a révélé que cette rencontre contre le New Jersey avait une résonance personnelle pour lui. C’est en janvier dernier, face à la même équipe, que Dobeš avait encaissé la toute première défaite de sa carrière dans la LNH, également en prolongation, également par la marque de 4-3.
Cette répétition du scénario l’a touché plus qu’il ne l’aurait voulu.
« Je voulais vraiment les battre parce que c’est une bonne équipe », a-t-il confié, le cœur encore gros.
Mercredi, plus calme, Dobeš a tenté de tourner la page :
« Je veux clore cette histoire. Vous n’avez pas à vous préoccuper de moi. Je prends certains matchs plus personnel et je suis plus émotif que d’autres. »
Il a même reconnu qu’il aurait dû prendre quelques minutes pour se calmer avant de rencontrer les journalistes :
« Mais ça allait vite, et c’est tout simplement arrivé. » F
ace à la critique, il ne fuit pas : « J’aime ça quand ça devient plus personnel. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, et puis j’ai Arber Xhekaj dans mon équipe, donc je serai correct ! »
Son ancien entraîneur à Ohio State, Dustin Carlson, confirme que Dobeš a toujours été ce genre de compétiteur intense.
« Il prenait chaque défaite durement. Il analysait chaque but, se remettait en question, ne blâmait jamais ses coéquipiers. Il se regardait dans le miroir. »
Une intensité admirable… mais aussi dangereuse si elle n’est pas canalisée, surtout dans un marché comme Montréal où la pression médiatique est si intense.
Et c’est là que les propos de Théodore résonnent avec un certain fond de vérité. Le rôle de gardien du CH est l’un des plus exigeants du sport professionnel.
Depuis le départ de Carey Price, cette chaise est devenue un électrochoc permanent. Jake Allen n’en voulait plus. Samuel Montembeault tente d’y survivre. Et Jakub Dobeš, lui, semble déterminé à l’embrasser de toutes ses fibres, quitte à se brûler de l’intérieur.
Mais Montréal, ce n’est pas Columbus, ce n’est pas Ohio State. Et comme le disait Carlson :
« Dans la LNH, il faut savoir oublier vite. »
Théodore, lui, n’a rien oublié. Il sait ce que c’est que d’être idolâtré un soir, puis hué le lendemain. Il sait ce que c’est que d’être scruté dans sa vie privée, analysé dans ses moindres gestes, moqué sur les réseaux sociaux, cloué publiquement dans les médias.
Et c’est peut-être pour cela qu’il envoie ce message à Dobeš : protège-toi.
Ce que Théodore ne dit pas, en revanche, c’est que cette réaction de Dobeš, aussi émotive soit-elle, témoigne aussi d’un lien profond avec la ville et l’équipe.
Le Tchèque n’est pas qu’un joueur de passage. Il a la mémoire longue. Il se souvient de chaque but, chaque revers, chaque promesse non tenue. Il avait juré de battre les Devils cette fois-ci, et l’histoire s’est répétée. Ce n’était pas qu’un match pour lui. C’était un symbole. Un règlement de compte avec le passé.
Le vrai débat est peut-être là : que veut-on aujourd’hui d’un gardien du Canadien? Un mur de glace impénétrable, insensible à la pression? Ou un être humain, passionné, engagé, vulnérable, mais prêt à mourir pour chaque victoire?
Dobeš aura une nouvelle occasion de réécrire l’histoire jeudi contre les Stars de Dallas. Il les avait battus l’an dernier. Il sait que le match aura une signification particulière.
Et il sait aussi que cette fois, les caméras seront braquées non seulement sur ses arrêts, mais sur ses réactions. Car à Montréal, il n’y a pas de zone neutre. Soit on se forge une légende, soit on devient une caricature.
Et malgré les conseils de José Théodore, malgré les moqueries, malgré les critiques parfois ignobles, Dobeš semble déterminé à tracer son propre chemin.
Loin des paris de Vegas. Loin des mouchoirs. Et peut-être, simplement, vers un nouveau type de gardien : humain, imparfait, mais plus vrai que nature.
Peu importe à quel point Théo fait son baveux.
