Au lendemain du moment le plus euphorique cette saison au Centre Bell, la bagarre sauvage livrée par Florian Xhekaj, où il a donné une correction à Dakota Mermis, l’aréna qui explose, le public qui rugit, Montréal qui tombe amoureux d’un nouveau Shérif, une autre réalité frappe de plein fouet : celle qu’Arber Xhekaj, le vrai, l’original, celui qui a bâti sa réputation sur la douleur et les coups encaissés, n’a plus le luxe de jouer avec sa santé.
Et cette prise de conscience n’est pas venue d’un médecin, ni d’un entraîneur, ni d’un dirigeant. Elle est venue d’un coup de poing. Plus précisément, d’un coup de poing qui n’a même pas été lancé dans la LNH.
Dimanche soir, dans un match obscur de la Ligue américaine entre Calgary et Coachella Valley, on a vu Alex Gallant, un vétéran des bagarres, s’effondrer sur la glace, la tête complètement éteinte après avoir mangé une droite de Kaden Hammell.
La séquence vidéo nous donne mal au coeur:
Un combat de quelques secondes. Une chute comme si quelqu’un avait tiré la prise. Le silence. Les gestes lents. Le regard dans le vide, complètement K-O.
Et Hammell qui célébrait pendant que Gallant tentait à peine de comprendre où il se trouvait. Aucune mise à jour. Aucun diagnostic. Juste une image insoutenable qui circule partout dans les vestiaires : un homme qui tombe comme un sac, devant des milliers de témoins qui applaudissent sans comprendre la gravité de ce qu’ils regardent.
Ce KO-là, Arber Xhekaj l’a vu. Tout le monde dans la Ligue l’a vu. Et pour la première fois, selon plusieurs proches, il l’a pris personnel.
Parce que pour Arber, ce n’est pas juste « un autre combat ».
C’est exactement le scénario qu’il redoute, surtout qu'il s'est fait corriger lors de ses 4 derniers combat.
Contre Tanner Jeannot, il a été sonné. Depuis, il a peur, car le scénario qu’il veut éviter, c'est de devenir légume.
Un soir, un coup trop tard.
Un mauvais angle.
Un gars trop lourd.
Un pied qui glisse.
Une seconde d’inattention.
Et tout bascule.
Le timing de ce KO, à la veille du voyage le plus dangereux de l’année pour un policier de la LNH, rend la chose encore plus lourde.
Utah est rempli d’énormes joueurs qui veulent prouver quelque chose. Vegas possède les colosses les plus vicieux de la division. Le Colorado a toujours un ou deux gars prêts à faire un statement physiquement. Et tous ont vu le combat de Florian. Tous ont vu le Centre Bell exploser. Tous ont vu l’énergie des frères Xhekaj.
Ils vont vouloir tester.
Ils vont vouloir prouver.
Ils vont vouloir provoquer.
Et Arber le sait.
Il sait que chaque équipe va tenter de réveiller l’ancien Shérif, celui qui frappait comme un train, qui arrivait le menton par-dessus la mêlée, celui qui faisait reculer n’importe qui.
Cette version-là de lui, Montréal l’a adorée… mais Montréal ne sait pas tout ce que ça a coûté. Les épaules usées. Les hivers passés à gérer des migraines. Les épisodes où il oubliait des séquences de matchs. Les réveils où le corps refuse de suivre. Les proches qui lui disent : « pas encore ce soir ». Les conversations privées où il confie que chaque combat est une roulette russe.
C’est pour ça qu’Arber Xhekaj se bat moins.
Pas par manque de courage.
Pas par manque d’amour pour l’équipe.
Mais parce que la frontière entre “Shérif” et “victime” est devenue trop mince.
Et ce qui est arrivé à Gallant, c’est exactement ce que les familles redoutent : un gars qui tombe et qui ne se relève pas comme d’habitude.
Un gars qui consacre sa vie à protéger ses coéquipiers… et que personne ne protège. Un gars que tout le monde acclame tant qu’il se bat, mais que tout le monde oublie quand il a besoin d’aide.
Les proches d’Arber, eux, ne l’oublient pas.
Ils voient ce qu’il encaisse depuis des années.
Ils voient ce que son rôle exige.
Ils voient la pression.
Ils voient la peur dans les yeux des parents Xhekaj à chaque combat du fils aîné.
Ce n’est pas un hasard si Arber leur répète toujours la même phrase :
« Il n’y a pas de gloire quand tu t’écroules. »
Et cette phrase, elle prend tout son sens aujourd’hui.
Parce que oui, Florian a mis le feu au Centre Bell.
Oui, Montréal en redemande.
Oui, tout le monde rêve au duo des deux frères qui règlent tout.
Mais la réalité, c’est qu’Arber est celui qui paie la note.
Il porte les cicatrices.
Il porte l’historique.
Il porte le rôle le plus dangereux du hockey.
Et il commence enfin à mesurer la valeur de sa santé.
De sa mémoire.
De sa vie après le hockey.
Le voyage Utah–Vegas–Colorado sera un test.
Un test physique, mais surtout mental.
Un test de responsabilité.
Arber devra choisir quand répondre.
Quand refuser.
Quand protéger son équipe… mais aussi quand se protéger lui-même.
Parce qu’après avoir vu ce pauvre joueur de la ligue américaine se faire défoncer.
Après avoir senti sa mère s’inquiéter,
Après avoir vu trop de gars perdre leur vie ou leur tête pour un rôle qui ne pardonne pas,
il sait que la ligne est plus mince que jamais.
Et c’est ça, la vérité derrière le Shérif.
Ce n’est pas un joueur de hockey.
C’est un gladiateur moderne qui joue avec des risques que personne ne veut affronter.
Sauf que maintenant, il les regarde en face.
Et pour la première fois, il réfléchit avant de frapper.
Pas par faiblesse.
Par instinct de survie.
