La pire nouvelle pour Arber Xhekaj est tombée sans communiqué dramatique, sans effet d’annonce : il va visiter les gradins pendant le voyage.
Et ce n’est pas seulement parce qu’il était « en rotation » avec Adam Engström pendant l'entraînement. C’est parce que, depuis quinze jours, Adam Engström le mange tout rond, comme si les deux ne jouaient même pas dans la même ligue. Ça, c’est le vrai revirement de situation.
On pensait, naïvement que le rappel de Florian Xhekaj viendrait « protéger » son frère d’un vent de transactions et lui redonner de l’oxygène. Faux.
Florian a apporté du papier sablé à l’avant; pendant ce temps, derrière, Engström a fait exactement l’inverse d’Arber : il a imposé son jeu sans image fake de shérif: propre, rapide, offensif, défensif, utile partout.
Au premier entraînement à Salt Lake City, l'image du shérif qui devait attendre en alternance avec Engström donnait mal au coeur pour le shérif déchu et un message qui ne se chuchote plus dans les couloirs : si le Suédois joue, le Shérif sort.
Cette claque au visage n’est pas tombée du ciel. Le week-end dernier à Laval a changé la donne : but en prolongation, puis match de cinq points. Le lendemain, rappel. Et ce rappel-là n’était pas un « body de voyage ».
C’était une évaluation accélérée. On voulait voir, tout de suite, si son jeu AHL (relance vive, sang-froid, premières passes dans la palette, patin élite) se transposechez les grands. Spoiler : oui. Et quand tu contrôles le tempo mieux que ton concurrent direct, tu prends sa chaise.
Le pire pour Arber? La comparaison.
Quand Engström touche à la rondelle, tout a l’air simple. Quand Xhekaj la touche ces temps-ci, tout semble lourd. Comme si la "puck" était une patate chaude.
Le premier gagne sa ligne bleue, ferme ses écarts, sort la rondelle par les bandes sans panique. Le second cherche son identité, n’impose plus la peur, ne frappe plus, ne intimide plus. Et quand ton identité, c’est d’être le Shérif, tu ne peux pas te présenter au saloon sans l’étoile au veston.
Le contexte n’aide pas. La ligne bleue du CH est congestionnée comme jamais. On peut débattre des hiérarchies, mais une vérité s’impose : il y a trop de défenseurs NHL-ready pour sept places. Et quand tu additionnes l’émergence d’Engström, la montée en puissance de certains, le statut d’« intouchables » de d’autres, les chaises deviennent rares. La conséquence logique, brutale, sans pitié : un régulier va se retrouver dans l'avion, billet à la main... direction transaction...
Arber est-il maintenant au premier rang pour se faire échanger. Parce que son profil, unique et précieux quand il est à son plafond (volume de mises en échec, dissuasion, robustesse devant le filet), devient moins incontournable dès qu’il plafonne à 80 %.
Pour que Xhekaj soit un 6e défenseur de la LNH, il doit être toujours à cent pout cent et surtout, il doit gagner ses combats.
En ce moment, il se fait corriger... au point qu'il n'est même plus un 7e défenseur.
Engström, lui, te donne déjà deux choses que les staffs adorent : la relance qui alimente tes ailiers en sortie de zone, et la capacité de survivre à des minutes plus lourdes.
Surtout qu'offensivement, il est aussi un monstre.
Plusieurs pensent qu'Engström est dans la vitrine… mais on commence à réaliser que celui qui pourrait être échangé est bel et bien Arber.
Soyons clairs : il n’est plus question de choix de 1ère ronde pour Arber Xhekaj, ce buzz-là appartient à une autre époque.
Aujourd’hui, la conversation est plus terre à terre : le #72 peut-il redevenir, rapidement, le facteur de peur qui rend les soirs longs pour les gros trios adverses?
Peut-il nettoyer l’enclave, casser l'adversaire, faire payer le prix à l’entrée du slot, sans t’offrir du temps en désavantage numérique pour des pénalités inutiles?
Surtout... peut-il gagner un combat?
Si la réponse redevient « oui » durant ce trip dans l’Ouest, il reprend sa place. Si la réponse demeure « pas vraiment », il cède sa place.
Et notre feeling? Il cède sa place.
Et il y a l’éléphant dans la pièce : le package deal. Longtemps, on a répété que Florian « protégeait » Arber d’un départ, que le duo était une histoire de vestiaire, de marque, d’ADN.
Mais les dernières 72 heures ont glissé une autre hypothèse sur la table : si Montréal doit sacrifier un défenseur de trop pour aller chercher ce fameux top-6 (ou un centre pivot de middle-six fiable), devinez qui devient logique comme throw-in. Arber Pas agréable à écrire. Surtout en pensant qu'il serait séparé de son frère. Mais logique.
Alors, que reste-t-il à Arber Xhekaj?
D’abord, accepter la claque : oui, Engström t’a dominé. Oui, tu vas t’asseoir. Et alors? Les carrières se jouent souvent sur la réponse au premier crochet reçu. Revenir à l’essentiel : première passe simple, premier contact solide, premier attaquant agressif expulsé de l’enclave, premier scrum « gagné ».
Et premier combat gagné depuis des lunes. Voilà la clé.
Parce qu’au fond, la pire nouvelle n’est pas la visite des gradins. La pire nouvelle, c’est qu’Engström a fixé la barre. Elle est haute, claire, visible. Tu la dépasses, tu rejoues. Tu restes en dessous, tu glisses dans la colonne « actifs échangeables ». Le hockey pro est injuste? Toujours. Mais il est honnête sur un point : il récompense le présent.
Peu importe les belles histoires de frères ou non.
Le verdict, pour l’instant, est simple : Engström t’a pris l’avance.
La bonne nouvelle? Le tableau s’efface chaque soir. À toi de réécrire la ligne. À toi de redevenir le Shérif.
Sinon, ne te surprends pas si, au prochain coup de téléphone... ton nom se retrouve dans le package....
