Tout devient clair.
Alexander Zharovsky impose tellement sa volonté sur la glace qu’on ne peut plus le regarder du même œil.
À seulement 18 ans, le jeune espoir du Canadien a littéralement pris contrôle de l’avantage numérique du Ufa Salavat Yulayev.
Et pour la première fois, on s’est dit : ce kid n’est pas un simple ailier prometteur. C’est un meneur de jeu. Un véritable chef d’orchestre.
Il est... le 2e centre du Canadien de Montréal.
Alors qu'il affrontait l’Admiral Vladivostok, Zharovsky a offert une performance qui marque déjà l'histoire du CH.
Il a d’abord inscrit une mention d’aide sur un jeu de puissance bien orchestré, une passe secondaire fluide, presque banale dans l’exécution, mais d’une précision millimétrée dans le tempo. Puis, quelques minutes plus tard, il a récidivé. Et cette fois, le geste était magistral.
En pleine supériorité numérique, Zharovsky a contourné le filet, tête levée, attendant patiemment que la défense s’effondre sur lui.
Ce qu’il a fait ensuite appartient au manuel des grands : une passe traversale, vive, parfaitement synchronisée avec la montée de son coéquipier dans l’enclave.
Une ligne de passe que personne d’autre n’avait vue. La rondelle a terminé sa course au fond du filet, et la foule a compris : la ville d'Oufa tient son maestro.
À 18 ans, dominer une séquence d’avantage numérique dans la KHL, ce n’est pas seulement rare. C’est presque inédit. Et amasser 14 points (5 buts, 9 passes) en 13 matchs relève du miracle.
Zharovsky ne s’est pas contenté de faire circuler la rondelle : il a dirigé la circulation. Il a ralenti le jeu quand il le fallait, accéléré l’échange dès qu’un espace se présentait. C’est là toute la différence entre un bon joueur de soutien et un véritable meneur.
Son entraîneur Viktor Kozlov, d’ordinaire avare de compliments, a simplement déclaré après la rencontre :
« Il a le sens du rythme. Il comprend avant tout le monde où la rondelle doit aller. » Et c’est exactement ça : Zharovsky ne joue pas vite. Il fait penser vite. Les autres s’ajustent à lui, pas l’inverse.
Ce qui frappe le plus, c’est la ressemblance troublante avec Ivan Demidov. Même capacité à manipuler la défense avec une feinte d’épaules, même patience dans le demi-cercle offensif, même flair pour la ligne de passe improbable. Quand on regarde Zharovsky agir sur le power play, on voit littéralement un écho de ce que Demidov fait déjà à Montréal.
Et c’est là que le rêve devient irrésistible : imaginez ces deux amis d’enfance, réunis à Montréal, l’un opérant la première vague, l’autre menant la deuxième.
Demidov sur le couloir droit, Zharovsky au centre de la deuxième unité. Deux cerveaux russes synchronisés par une décennie de complicité. Ce serait un luxe que très peu d’équipes de la LNH pourraient se permettre : deux maîtres du jeu sur deux vagues différentes.
Mais surtout... deux magiciens sur le même trio. Il faudrait peut-être arrêter de parler de Crosby, Malkin ou Kadri à Montréal.
Car le vrai 2e centre du CH... c'est Zharovsky...
Depuis quelques matchs, Zharovsky joue au centre. Et plus il s’y installe, plus il s’impose. À Oufa, son entraîneur lui confie désormais la responsabilité des entrées de zone et des mises au jeu offensives.
Il prend de plus en plus d’engagements et remporte la majorité d’entre eux. À chaque sortie, il prouve qu’il n’est pas qu’un passeur d’aile, mais bien un centre complet en développement.
Pour Montréal, la coïncidence est trop belle. Le club cherche depuis deux ans un vrai deuxième centre pour compléter le noyau Suzuki-Caufield-Demidov-Hutson.
On a longtemps espéré que Kirby Dach deviendrait cet homme, mais les blessures ont freiné sa progression. Oliver Kapanen fait la job en attendant.
Mais dans les faits, le Canadien n’a jamais trouvé son centre numéro deux naturel. Et voilà qu’à Oufa, à des milliers de kilomètres de Brossard, la réponse pousse sous nos yeux.
Ce qui distingue Zharovsky des autres espoirs russes, c’est son calme. Il ne joue jamais dans la précipitation. Dans les zones restreintes, il lit le jeu deux temps à l’avance.
Sur le power play, il devient le pivot absolu, le point de convergence des attaques. Ce soir encore, il a touché la rondelle sur 80 % des séquences d’avantage numérique de son équipe. Il a ralenti le jeu, orchestré les permutations, et dicté les moments où le tir devait venir.
Ce sens du contrôle rappelle les grands maîtres de la LNH : des joueurs comme Jack Hughes, qui ne se contentent pas de produire, mais qui définissent la structure du jeu autour d’eux. C’est ce que Zharovsky commence à faire à 18 ans seulement.
À Montréal, l’avantage numérique s’est enfin stabilisé : Hutson, Suzuki, Caufield, Slafkovský, Demidov est un top 5 de feu.
Mais derrière, la deuxième vague demeure une énigme. On y a vu défiler Dobson, Bolduc, Gallagher, Suzuki qui reste les deux minutes. Rien de stable, rien de menaçant. Et c’est exactement là que Zharovsky pourrait s’imposer.
Non, il ne remplacera pas Slafkovský devant le filet sur la première unité. Il n’a pas ce profil de tireur lourd ni cette présence physique.
Mais dans un rôle de créateur, il pourrait métamorphoser cette deuxième unité. Imaginez-le avec Bolduc et Dobson en soutien, manipulant les défenseurs, forçant les gardiens à se déplacer latéralement. Avec lui, même la deuxième vague deviendrait un cauchemar tactique pour les adversaires.
Demidov et Zharovsky partagent bien plus qu’une nationalité. Ils partagent une philosophie du jeu. Tous deux misent sur la vision, la fluidité, la créativité.
Tous deux préfèrent la passe parfaite au tir forcé. Tous deux ont ce Hockey IQ typiquement russe qui transforme un moment banal en œuvre d’art. Ce n’est pas une question de hasard s’ils se connaissent depuis l’enfance. Ce sont deux branches d’un même arbre.
Ils vont enflammer le 2e trio... au point de devenir le premier. Si Demidov devient le Nikita Kucherov montréalais, Zharovsky pourrait être son Brayden Point. Un duo complémentaire, imprévisible, et surtout, impossible à contrer.
Au-delà du jeu offensif, ce qui frappe chez Zharovsky, c’est sa maturité. Ses déclarations après les matchs trahissent déjà une compréhension professionnelle du métier.
« Je veux apprendre à jouer dans toutes les situations », a-t-il dit récemment. Et quand on lui parle de Montréal, son sourire dit tout. Il apprend le français, il regarde les matchs du Canadien, et il se projette déjà dans ce chandail.
Le clan du joueur confirme qu’il participera au prochain camp de développement du CH, dès qu’il obtiendra son visa. C’est une question d'un an.
Puis, en 2027, il est assuré de rejoindre le CH. Montréal va pousser pour le printemps 2026, mais la réalité est que le Russe va continuer de se développer dans son Russie jusqu'à l'expiration de son contrat.
Le but de Zharovsky n’est plus seulement de produire. Il s’impose désormais comme un centre complet et un moteur de possession.
Oui, le Canadien cherchait un deuxième centre. Oui, il voulait quelqu’un capable de penser le jeu plutôt que de le subir.
Et il se pourrait bien qu’il l’ait trouvé à Oufa, sous les yeux d’un certain Ivan Demidov qui, encore une fois, avait tout prévu.
Après tout, c'est lui qui a conseillé à Kent Hughes de sélectionner son "chum".
