Alex Romanov se vide le coeur: l'erreur de Kent Hughes

Alex Romanov se vide le coeur: l'erreur de Kent Hughes

Par Nicolas Pérusse le 2025-07-27

Il y a des transactions qui font mal à retardement.

Sur le coup, on comprend mal. Puis les mois passent. Puis les années.

Et tout à coup, on réalise qu’on a peut-être échangé plus qu’un joueur. On a échangé une âme, un point d’ancrage.

Alex Romanov était ce genre de joueur.

Quand le Canadien l’a envoyé aux Islanders en 2022, en retour d’un choix de première ronde, qui allait ultimement permettre d’obtenir Kirby Dach, personne ne criait au scandale.

Kent Hughes voulait rebâtir rapidement, et pour lui, la priorité absolue, c’était de trouver un centre de talent.

Il croyait avoir trouvé la perle rare. Un pari offensif. Un autre.

Mais aujourd’hui, alors que Kirby Dach passe plus de temps à l’infirmerie qu’au centre Bell et qu’Alex Romanov est devenu un pilier défensif à Long Island, une question s’impose : le CH est-il allé trop vite?

Dans une entrevue récente accordée à un média russe, Romanov est revenu sur ses inspirations.

On lui a demandé qui était son idol à ses débuts et sa réponse en dit long.

« Quand j’étais jeune, c’était Ovechkin comme pour tous les Russes. Mais quand j’ai commencé à jouer dans la NHL, je me suis vraiment intéressé aux gardiens et Carey Price est devenu mon idole. Je l’avais même comme fond d’écran sur mon téléphone. »

Romanov avait le Canadien tatoué sur le cœur. Il respirait le CH. Il adorait Montréal.

Et il incarnait parfaitement ce que Martin St-Louis prône aujourd’hui : du cœur, de la robustesse, une mentalité de guerrier, et une volonté de se sacrifier pour l’équipe.

C’est ce genre de joueur qu’on cherche désespérément à ajouter dans l’alignement actuel. Et c’est exactement le joueur qu’on a laissé partir.

Mais ce n’est pas la première fois que le CH commet cette erreur.

En 2017, le Canadien avait sacrifié Mikhail Sergachev pour aller chercher Jonathan Drouin.

Un autre pari offensif. Un autre espoir à relancer. Résultat? Drouin s’est éteint sous la pression, pendant que Sergachev devenait un pilier à Tampa Bay, soulevant deux coupes Stanley et dominant en séries.

Et comment oublier l’échange de Ryan McDonagh contre Scott Gomez? Un autre pari. Un autre flop.

Gomez, incapable de marquer, est rapidement devenu la risée de Montréal, pendant que McDonagh s’épanouissait à New York, puis à Tampa, comme l’un des meilleurs défenseurs défensifs de sa génération.

À chaque fois, le même schéma. Un défenseur prometteur et fiable est sacrifié pour un attaquant offensif à potentiel… mais sans garantie.

À chaque fois, le CH mise sur l’éclat plutôt que sur la fondation.

Et à chaque fois, il perd la mise.

La transaction Romanov-Dach s’inscrit dans cette lignée. Peut-être que Dach finira par percer. Peut-être.

Mais en ce moment, l’échange ressemble de plus en plus à une autre erreur stratégique.

Et le timing de tout ça est encore plus cruel.

Car au moment où Ivan Demidov débarque à Montréal, Romanov aurait pu être là.

Et ça, ça change tout.

Demidov est un diamant. Un prodige russe.  Il est arrivé à Montréal dans un climat d’euphorie. Il a marqué dès ses premières minutes en LNH. Il a brillé en séries. Il a tout pour devenir une légende.

Mais il est seul.

Il n’y a pas de grande communauté russe dans le vestiaire du CH.

Et à Montréal, l’adaptation peut être brutale pour un jeune joueur qui ne parle pas la langue, qui vit loin de sa famille, et dont la conjointe, Ekaterina Yakovleva, se heurte à un casse-tête bureaucratique infernal pour obtenir un visa canadien.

C’est là que Romanov aurait pu jouer un rôle fondamental.

Parce que les deux se connaissent. Parce que leurs blondes sont proches. Parce qu’ils sont taillés dans le même moule. Parce que Romanov sait exactement ce que c’est, débarquer à Montréal avec les yeux du monde rivés sur soi.

Et surtout, parce qu’il l’a bien fait.

Quand Romanov est arrivé au Québec, il était en couple depuis longtemps avec Sofia Krasovskaya, une femme discrète, stable, loin du monde des influenceuses et des barmaids du Flyjin.

Il n’a jamais été impliqué dans le nightlife. Pas une rumeur. Pas un scandale. Juste un jeune sérieux, appliqué, concentré sur sa progression. Un exemple.

Demidov semble suivre la même voie. Sa copine, Ekaterina, est décrite par ceux qui l’ont croisée comme une femme solide, sérieuse, ancrée. Un peu dans l’ombre, mais toujours présente.

Comme Sofia l’était pour Romanov. Une relation forte, structurante. Le genre de duo qui peut faire toute la différence dans une carrière.

Et pourtant, malgré cette ressemblance frappante, Demidov doit faire le chemin seul. Romanov n’est plus là.

Dans une autre entrevue, Romanov a tenu à donner un conseil au jeune attaquant du CH :

« Il doit simplement continuer à travailler dur, comme il l’a toujours fait… C’est un excellent joueur et il est un excellent choix pour les Canadiens. »

On sent la fierté. L’affection. Le respect. Romanov sait que Demidov peut devenir un joueur spécial.

Et il aurait pu l’accompagner. L’encadrer. Lui parler en russe quand rien ne fait de sens. Lui expliquer comment gérer les journalistes, les attentes, la pression, les réseaux sociaux, la ville, la glace, les fans.

Montréal, c’est un choc. Mais Romanov savait naviguer.

Et Kent Hughes, dans sa volonté d’aller vite, de corriger le tir au centre, de bâtir rapidement autour de Nick Suzuki, a peut-être agi un peu trop vite.

Il a fait un bon ménage à son arrivée. Il a montré qu’il avait du flair dans certains échanges.

Mais en sacrifiant Romanov, il a peut-être ouvert une brèche dans le futur du club. Pas seulement sur la glace. Mais dans le cœur du vestiaire.

Car au-delà des statistiques, il y a l’identité. Il y a l’humanité. Et il y a la cohésion.

Romanov représentait un repère. Il aurait pu être le lien. Le pont. Le grand frère.

Aujourd’hui, ce pont est coupé.

Et Ivan Demidov, aussi talentueux soit-il, doit tracer sa propre route dans une ville qui ne fait pas de cadeau.

Pas à 19 ans. Pas quand on vient de l’autre bout du monde. Pas quand sa blonde n’a même pas le droit d’entrer au pays.

Le Canadien a mis la main sur un joyau.

Mais dans sa précipitation à rebâtir, il a peut-être sacrifié le seul joueur qui aurait pu l’aider à le polir.

Et cette fois, il n’y aura personne d’autre à blâmer.

Que Kent Hughes...