Pendant plus d’un an, le nom d’Alex Newhook servait de preuve vivante que Kent Hughes pouvait se tromper. L’échange avec l'Avalanche du Colorado à l'été 2023, un choix de fin de première ronde et un choix de début de 2e ronde, avait fait grincer des dents.
On se souvenait trop bien des expériences ratées de Marc Bergevin avec Andrew Shaw. L'ancien DG avait échangé ses deux choix de 1ère ronde (39e et 45e) aux Balckhawks pour Andrew Shaw, un plombier commotionné et au corps fini qui avaut gagné deux Coupes Stanley.
Marc Bergevin pensait que le papier sablé de Shaw était la pièce manquée pour qu'il gagne la Coupe Stanley. On connaît la suite. Blessures, commotions, maque de talent, Shaw ifut un désastre complet.
Le pire dans cette histoire est que Trevor Timmins voulait sélectionner Alex DeBrincat et Samuel Girard avec ces choix. Ouch.
Quand Kent Hughes a cédé le 31e et le 37e choix au total pour obtenir Newhook, la critique fut immédiate : encore un directeur général qui paye le gros prix pour un plombier.
Aujourd’hui pourtant, ce qui ressemblait à une erreur coûteuse commence à ressembler à un coup de circuit.
Car Alex Newhook, loin du joueur effacé de l’an dernier, est devenu un moteur. Trois buts et six points à ses cinq derniers matchs. (4 buts, 4 passes pour 8 points en 11 matchs). Une vitesse sur patins incroyable, une efficacité retrouvée, et surtout une implication dans les deux sens de la patinoire que peu avaient anticipée.
Il joue avec confiance, soutient la transition, ferme le jeu défensif, et trouve des lignes de passe qu’il n’avait jamais osé tenter auparavant. C’est ce Newhook-là que le Canadien croyait aller chercher en juin 2023. Et soudain, les critiques qui ont fait passer Kent Hughes pour un recruteur émotif paraissent bien silencieuses.
Quand on revisite les circonstances de cet échange, il faut se rappeler que le Colorado savait exactement ce qu’il faisait.
Joe Sakic n’avait plus de place pour Newhook dans un alignement déjà surchargé de talents qui venait de gagner la Coupe Stanley.
Ils voulaient du capital de repêchage. Hughes, lui, voyait un jeune joueur rapide, encore sous contrat d’entrée, capable de s’épanouir sous un entraîneur qui valorise la créativité. Il a pris un risque. Mais il n’a pas seulement parié sur un joueur ; il a parié sur le développement.
Ce qui a nourri la critique, ce n’est pas tant le joueur que le prix. Un premier choix, le 31e au total, devenu plus tard Mikhaïl Gulyayev, et un deuxième, le 37e, transformé en Ethan Gauthier, repêché par Tampa Bay après une une transacton impliquant l'Avalanche et le Lightning.
Les deux actifs que Hughes a sacrifiés n’ont rien donné de concret au Colorado. Gulyayev, petit défenseur russe offensif, peine à se tailler une place dans la KHL, et Gauthier, le fils de Denis, n’a toujours pas joué une seule minute dans la LNH et ne sera jamais un joueur régulier de la meilleure ligue au monde.
Pendant ce temps, Newhook s’impose à Montréal.
C’est là tout le paradoxe. Hughes, qui avait été accusé d’avoir agi sur un coup de cœur, en rappelant qu’il fut jadis l’agent de Newhook avant de devenir DG, semble aujourd’hui avoir mieux évalué le potentiel réel du joueur que l’équipe qui l’a repêché. L’Avalanche a perdu patience. Montréal, elle, a cru. Et cette patience est en train de payer.
Au moment où Martin St-Louis cherche désespérément de la stabilité dans son top 6, Newhook est en train de lui en donner.
Il est redevenu cet attaquant imprévisible que le Colorado n’a jamais vraiment su utiliser. La grande différence, c’est son engagement défensif. Sous St-Louis, il ne se contente plus de patiner vite : il lit le jeu, anticipe les replis, coupe des passes dangereuses. Il est passé du statut de patineur explosif sans QI hockey à celui d’attaquant complet.
Cet été, même les analystes les plus modérés, comme Eric Macramella, l’avaient étiqueté « joueur de quatrième trio ».
Macramella, avocat respecté et chroniqueur sportif à TSN et Forbes, avait livré une critique sans pitié :
« Des jambes trop rapides pour le cerveau. »
L’expression avait fait le tour des ondes montréalaises. Elle résumait tout le malaise : un joueur rapide, mais incapable de transformer sa vitesse en efficacité.
Aujourd’hui, cette phrase sonne comme une grave erreur. Car Newhook prouve qu’il a appris à ralentir le jeu, à temporiser, à mieux choisir ses angles. Il a trouvé le rythme mental qui manquait à son patinage.
La saison dernière, Newhook patinait Nord-Sud la tête entre les jambes.
Mais cette saison, il n’est plus le maillon faible d’une reconstruction hésitante ; il est devenu un vecteur de progression.
Si Newhook continue sur cette lancée, le Canadien aura transformé deux simples choix en un joueur qui fera partie de l'aventure montréalaise pour longtemps.
Sa polyvalence, critiquée autrefois comme un signe de manque d'identité, devient aujourd’hui un atout. On peut le placer partout : à gauche, à droite, ou même ponctuellement au centre. Il s’adapte, il trouve des solutions. Et à Montréal, c’est souvent ce type de joueur qui finit par durer.
Clairement, le fait de jouer avec Ivan Demidov (ailier explosif) et Oliver Kapanen (centre défensid responsable) l'aide.
Mais la vérité, c’est qu’Alex Newhook a mûri. Il a compris que la seule façon de survivre dans ce marché était d’en faire plus que ce qu’on attend de lui. Il ne sera peut-être jamais un joueur de premier plan au niveau offensif, mais il peut devenir le prototype parfait du joueur moderne : rapide, discipliné, capable de jouer dans les deux sens.
Kent Hughes, lui, savoure sa revanche discrète. Pendant des mois, il a encaissé les critiques. On lui a reproché son favoritisme envers ses anciens clients, son entêtement, sa naïveté.
Mais au fond, il savait que le pari sur Newhook demandait du temps. C’est le genre de décision que seuls les dirigeants patients peuvent défendre : miser sur un joueur en apprentissage, plutôt que sur un produit fini. Aujourd’hui, cette vision commence à porter fruit.
Ce qui rend la revanche de Hughes encore plus savoureuse, c’est le contexte de l’échange original. En 2023, pendant que le Colorado recevait ses deux choix, Hughes faisait face à une pression énorme.
Les partisans réclamaient un deuxième centre. Les journalistes répétaient qu’il devait « agir maintenant ». Il a choisi d’agir, mais pas en cédant des vétérans : il a échangé du capital futur contre un jeune avec du vécu. Cette audace-là, il faut la reconnaître aujourd’hui. Même si Newhook n'est pas vrai centre, il est un véritable couteau suisse.
Kent Hughes peut respirer. Il s'est trompé avec Kirby Dach (Frank Nazar ou Alex Romanov). Mais pour Alex Newhook, il a frappé un coup de circuit.
