8 ans sur la table pour Lane Hutson : Kent Hughes flirte avec le désastre

8 ans sur la table pour Lane Hutson : Kent Hughes flirte avec le désastre

Par André Soueidan le 2025-08-14

À Montréal, il y a des dossiers qui devraient se régler en deux coups de crayon, dans un bureau feutré, avec une poignée de main ferme et un sourire satisfait.

Et puis il y a celui de Lane Hutson, joyau de la relance offensive du Canadien, autour duquel Kent Hughes semble déterminé à faire durer le suspense… comme si retarder l’inévitable relevait d’une stratégie raffinée ou d’un plaisir coupable.

Le décor est planté : selon les plus récentes informations, les discussions sont bel et bien en cours entre l’état-major du CH et le clan Hutson.

On se parle, on se respecte, on échange des chiffres.

Et pourtant, derrière ce vernis de cordialité, on sent que la table de négociation est un terrain miné, où chaque mot, chaque référence contractuelle, chaque exemple cité risque de faire grimper la facture ou de faire capoter le tout.

Car Hutson n’est pas n’importe qui. Il n’est pas ce jeune espoir prometteur qu’on peut encore amadouer avec de beaux discours sur l’avenir.

Il est déjà, après une seule saison complète, la pierre angulaire d’une défense qui, sans lui, serait aussi prévisible qu’un roman de gare.

Avec ses 66 points à sa saison recrue ... un record de franchise pour un défenseur, détrônant Chris Chelios lui-même ... il a imposé un style, un rythme, une audace qui font lever le Centre Bell.

Et c’est précisément pour ça que le moindre délai dans sa prolongation de contrat flirte avec l’absurde… et avec le désastre.

Le dossier Hutson devrait être aussi simple qu’une photocopie du contrat de Noah Dobson : huit ans, 9,5 millions par saison, signé en juillet dernier après son arrivée via transaction.

Dobson est un droitier complet, 6 pieds 4, fiable en défense et capable de produire offensivement.

Si Hughes a estimé que ce profil méritait cet investissement, alors par quel raisonnement tordu hésiterait-il à offrir un montant équivalent à un génie offensif qui, malgré son gabarit plus modeste, change la dynamique d’un match à lui seul?

Bien sûr, l’argument de la prudence revient comme un vieux refrain.

Hutson n’a qu’une saison complète derrière la cravate, et ses lacunes physiques ont été exposées en séries.

Mais cette prudence, poussée à l’extrême, devient un risque en soi.

Car à chaque semaine qui passe, les comparatifs contractuels évoluent, et rarement à la baisse.

Le clan Hutson a déjà dans sa manche les signatures récentes de Quinn Hughes (47,1 M$ sur 6 ans), Brock Faber (68 M$ sur 8 ans) et Jake Sanderson (64,4 M$ sur 8 ans).

Trois défenseurs jeunes, talentueux, tous liés à long terme pour des montants qui servent désormais de point de départ à toute négociation sérieuse.

Et la partie d’échecs est claire : Sean Coffey, l’agent de Hutson, n’a aucun intérêt à conclure avant que Connor Bedard, Logan Cooley, Adam Fantilli ou Leo Carlsson ne signent leurs propres prolongations.

Plus ces montants seront astronomiques, plus il pourra exiger pour Hutson, en s’appuyant sur un raisonnement implacable : « Si ces gars valent ça, mon client le vaut aussi. »

Le problème pour Hughes, c’est qu’il joue contre la montre.

La convention collective lui offre encore la possibilité d’un contrat de huit ans… jusqu’au 1er juillet 2026.

Après cette date, la durée maximale tombera à sept ans.

Perdre cette année supplémentaire de contrôle contractuel serait une faute stratégique impardonnable, une bourde dont les répercussions se feraient sentir jusqu’au prochain cycle de négociations avec les futures vedettes du club.

Et pendant qu’on parle de cycles, il faut aussi penser à l’effet domino.

Si Hutson décroche un contrat faramineux à un stade précoce de sa carrière, Demidov pourrait être tenté de repositionner ses propres attentes salariales.

C’est pour cette raison que Hughes joue la carte de la retenue, du contrôle des coûts, de la structure salariale « équilibrée ».

Mais à trop vouloir protéger cette structure, il pourrait bien finir par fissurer l’édifice qu’il cherche à préserver.

Car ne nous y trompons pas : à Montréal, un dossier contractuel qui s’éternise ne reste jamais discret bien longtemps.

Les caméras s’invitent, les micros s’avancent, et la fameuse question « Où en sont les négociations? » revient comme un boomerang après chaque match.

Hutson aura beau répéter qu’il se concentre sur le hockey, cette pression médiatique s’infiltre partout, même dans les vestiaires les plus hermétiques.

Et dans un marché où chaque geste, chaque parole est décortiqué, la patience collective fond plus vite qu’un banc de neige en avril.

Certains diront que Hutson est assez solide mentalement pour supporter ce cirque sans que ses performances en souffrent.

Peut-être. Mais pourquoi courir ce risque inutile, alors que la solution est à portée de main? On signe, on annonce, on célèbre… et on passe à autre chose.

On permet à Hutson de jouer libéré, et à l’équipe de se concentrer sur ses objectifs sportifs plutôt que sur des querelles de chiffres.

Pour l’instant, on nous assure que les deux camps sont dans de « bonnes dispositions ».

Mais dans le langage feutré des négociations, cette expression est souvent le synonyme poli de « personne ne veut céder en premier ».

Et si la situation dégénère en véritable bras de fer, ce ne sont pas seulement les négociations qui pourraient s’envenimer, mais bien la relation entre un joueur-clé et l’organisation qui prétend vouloir bâtir autour de lui.

Kent Hughes a encore l’occasion de transformer ce dossier en un succès sans tache : offrir à Hutson la reconnaissance et la sécurité à long terme qu’il mérite, tout en envoyant un message clair au reste du vestiaire que les performances d’exception sont récompensées sans délai.

Mais chaque jour qui passe rend cet exercice un peu plus périlleux.

Hutson est déjà, à 21 ans, l’un des visages de la franchise. Il incarne cette nouvelle génération de défenseurs capables de renverser le momentum d’un match par un seul coup d’éclat.

Ne pas le lier immédiatement au CH à long terme, c’est jouer avec le feu.

Et dans une ville où les incendies médiatiques peuvent réduire en cendres des saisons entières, c’est un pari dont l’issue pourrait être catastrophique.

Alors oui, huit ans sont sur la table. Mais si Hughes croit pouvoir laisser traîner ce dossier jusqu’à la dernière minute, il se trompe.

Dans un marché aussi vorace que Montréal, on ne joue pas avec les nerfs des partisans, ni avec l’avenir de son joueur le plus électrisant.

On signe. On scelle. On avance. Avant que le désastre, annoncé depuis des mois, ne devienne réalité.

AMEN