Chaque fois qu’un contrat majeur est annoncé dans la Ligue nationale, c’est la même réaction dans les bureaux de la direction du Canadien de Montréal : un sourire en coin, une certaine fierté silencieuse… et une confirmation que la stratégie salariale de Kent Hughes est en train de devenir l’un des coups de génie les plus sous-estimés de la dernière décennie.
Jeudi, l’Avalanche du Colorado a annoncé une entente spectaculaire avec Martin Nečas. Huit ans. 92 millions de dollars. Moyenne annuelle de 11,5 millions $, dont 60 millions en bonis à la signature, et une clause de non-mouvement complète pendant sept ans.
Une récompense royale pour un joueur de talent, certes, mais qui n’a jamais franchi le cap des 71 points.
La différence avec Montréal est cinglante. C'en est même presque gênant.
Une comparaison qui fait mal… pour les autres...
Martin Nečas est un excellent joueur. Il complète bien Nathan MacKinnon au Colorado. Il a du flair offensif, un bon coup de patin, un tir précis. Mais est-il supérieur à Cole Caufield? À Juraj Slafkovský? À Lane Hutson? Poser la question, c’est y répondre.
Caufield : plus 40 buts projetés cette saison s’il ne se blesse pas, un tir d’élite, un sens du spectacle, une chimie unique avec Nick Suzuki. Salaire annuel? 7,85 M$.
Slafkovský : premier choix au total, physique dominant, intelligence offensive grandissante, un moteur d’équipe. Salaire annuel? 7,6 M$.
Lane Hutson : à 21 ans, déjà un des 5 meilleurs défenseurs offensifs de la LNH, surnommé « Wayne Hutson » dans le vestiaire. Salaire annuel? 8,85 M$.
Nick Suzuki : capitaine, centre numéro un, fiable, constant, mature, impliqué sur 200 pieds. Salaire annuel? 7,875 M$.
Et maintenant Martin Nečas, qui touche presque le double de ces joueurs.
Le CH... est devenu la famille des sous-payés...
Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas un miracle. C’est un plan. Et ce plan porte un nom : Kent Hughes. Depuis son arrivée à la tête du Canadien, Hughes impose une culture salariale unique dans la LNH.
Chaque joueur qui s’engage avec le CH accepte de faire partie de la "famille des sous-payés", un groupe qui comprend aussi Mike Matheson (4,875 M$), qui prolongera son contrat à rabais selon ce qui circule.
Et ce n’est pas que symbolique. C’est mathématique. Avec la masse salariale dans les années à venir, des contrats comme ceux de Nečas deviennent des handicaps. Pendant que l’Avalanche verse 11,5M$ à Nečas, Kent Hughes peut aligner Caufield + Suzuki + Hutson pour des peanuts.
À titre de comparaison :
Thomas Harley à Dallas : 10,58 M$/an.
Martin Nečas au Colorado : 11,5 M$/an.
Kirill Kaprizov, l’autre explosion salariale de 2025 : 17 M$/an sur 8 ans.
Pendant ce temps, à Montréal, on obtient la qualité sans le prix.
Mais cette culture a un prix. Elle demande une rigueur absolue, et une pression constante. Le dossier Lane Hutson a failli faire éclater cette logique. Son père, Rob Hutson, exigeait une entente proche de 10 M$/an. Les comparables (Luke Hughes et Jackson LaCombe à 9 M$ par année chacun) le justifiaient.
Mais ce contrat aurait cassé la structure salariale du club. Hutson lui-même a fini par faire taire son père, forcer le dossier à se régler, et signer pour 8,85 M$… par loyauté envers l’équipe.
Ce n’est pas rien. Dans n’importe quelle autre organisation, Hutson aurait obtenu bien plus. Mais il voulait faire partie de cette culture. De cette famille. Et surtout, il savait que si lui forçait la main à Kent Hughes, Ivan Demidov allait en faire autant l'été prochain. Que le château allait s’écrouler.
Aujourd’hui, le contrat de Nečas est la preuve irréfutable que Hutson valait plus. Mais c’est aussi la preuve qu’il a choisi l’équipe avant son portefeuille. Et c’est ce qui fait du Canadien une anomalie dans cette ligue où les joueurs réclament toujours plus, plus vite, plus fort.
Cette stratégie ne repose pas que sur des chiffres. C’est un état d’esprit. Quand Kent Hughes a accepté de prolonger son contrat de DG à Montréal, il a lui-même consenti à un salaire réduit pour rester en poste.
C’est une philosophie qu’il impose par l’exemple. Jeff Gorton, de son côté, a toujours voulu construire une culture d’équipe où le vestiaire prime sur les égos.
Et ça fonctionne.
Les joueurs ne viennent pas à Montréal pour faire un coup d’argent. Ils viennent pour bâtir quelque chose. Pour être encadrés. Pour jouer ensemble. Pour gagner, dans un marché difficile mais glorifiant.
Le résultat? Une marge de manœuvre salariale énorme. Une flexibilité qui va permettre d’ajouter un deuxième centre et plus encore.
Pendant que d’autres équipes seront bloquées par des contrats trop généreux, le CH pourra bouger sur le marché des agents libres et des transactions.
Mais le plus gros test s’en vient. Ivan Demidov. L’enfant prodige russe. Déjà une star, déjà une vedette marketing, déjà une machine offensive. S’il performe comme on s’y attend, il pourrait justifier un contrat à 10 ou 11 millions $ dès l'été prochain en vue de la saison 2027-2028.
Mais va-t-il entrer dans la famille? Va-t-il accepter le rabais? Tout indique que oui. Parce qu’il adore Montréal. Parce qu’il a été témoin de la façon dont Hutson, Caufield, Suzuki ont été traités. Parce qu’il veut faire partie d’un groupe qui gagne… pas seulement encaisser un gros chèque.
Et surtout, parce que Kent Hughes va le convaincre.
Ce que Kent Hughes est en train d’imposer dans la LNH, c’est une révolution silencieuse. Il transforme la perception du rôle d’un DG. Il ne promet pas des millions. Il promet un rôle, un plan, une structure. Il promet un environnement, pas un bonus à la signature.
Chaque fois qu’un Nečas ou un Harley signe pour 10 ou 11 millions, on ne peut s’empêcher de regarder vers Montréal… et de se dire : ils sont en train de faire quelque chose d’unique.
Et si un jour, le Canadien soulève la Coupe Stanley avec un noyau à rabais, ce sera la victoire ultime de la culture Hughes-Gorton.
